Huit et demi

Auteur : L’italien Federico Fellini (1920-1993), est l’un des réalisateurs les plus illustres de l’histoire du cinéma. Marquée à ses débuts par le néoréalisme italien, l’œuvre de Fellini évolue, dans les années 1960, vers une forme singulière, liée à la modernité cinématographique européenne à laquelle Ingmar Bergman, Michelangelo Antonioni, Alain Resnais ou Jean-Luc Godard sont rattachés. Ses films se caractérisent par le foisonnement des thèmes et du récit, l’artificialité revendiquée de la mise en scène et l’absence totale de frontière entre le rêve, l’imaginaire, l’hallucination et la réalité. Auteur de vingt et un longs métrages, tous très connus, il a remporté la Palme d’or à Cannes pour La Dolce Vita (1960), ainsi que quatre Oscars du meilleur film en langue étrangère pour La Strada (1954), Les Nuits de Cabiria (1957), Huit et demi (1963) et Amarcord (1973). En 1993 il a obtenu un Oscar d’honneur pour l’ensemble de sa carrière.

Résumé : Un cinéaste dépressif fuit le monde du cinéma et se réfugie dans un univers peuplé de souvenirs et de fantasmes. Dans la station thermale où il s’est isolé, son épouse Luisa, sa maîtresse Carla, ses amis, ses acteurs, ses collaborateurs et son producteur viennent lui tourner autour, pour qu’enfin soit réalisé le film sur lequel il est censé travailler.

Analyse : C’est assurément le film de Fellini le plus génialement délirant, le plus imaginatif, le plus fou, le plus hystérique, le plus éblouissant où la fantaisie et la création artistique atteignent des sommets inégalés, mais qui peut être également le plus dérangeant. Ce film ne raconte rien si ce n’est sa propre création. Mais avec quelle maestria ! Rarement la mise en abyme du processus de création n’aura atteint un tel niveau de puissance dans une œuvre qui mélange réalité, fantasmes, souvenirs d’enfance, rêves et symboles, d’où il résulte un désordre scénaristique jouissif, parfaitement maîtrisé. Guido, dont on s’accorde à dire qu’il est le double de Fellini, est un réalisateur en mal de créativité, dans une période de doute, qui veut renoncer à son film mais qui en réalité ne sait plus très bien où il en est. Il traine une dépression qu’il essaie de surmonter en se reposant dans un établissement thermal, se réfugie dans le rêve, le fantasme, le mensonge envers ses femmes et envers lui-même. Il traine également son besoin impérieux d’être admiré et les douleurs de la création. L’atmosphère autour de lui est fébrile. Tout le monde attend son bon vouloir, les techniciens hurlent, les producteurs le harcèlent, les actrices essayent impatiemment d’avoir des indications sur leur rôle qu’il est incapable de leur donner sauf à leur jeter quelques paroles lénifiantes pour les calmer. Un critique de cinéma aux phrases alambiquées et obscures, démonte sans pitié toutes ses idées. Et l’inévitable cardinal auprès duquel Guido cherche une aide, répond en lui parlant des chardonnerets. C’est autour de lui un grand cirque humain qui termine d’ailleurs le film dans une grande parade où tous les participants forment, en se tenant la main, une grande farandole finale, sur l’extraordinaire musique de Nino Rota.

Dans ce film, plus encore que dans ses précédents, le réalisateur donne essentiellement la parole aux images, images en noir et blanc d’une beauté sublime qui renforce la merveilleuse poésie féerique et extravagante de cette œuvre. Un enchantement qui laissera indélébilement lié le souvenir des images de la procession des curistes à la Chevauchée des walkyries.  

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