Le Charme discret de la bourgeoisie

Auteur Luis Buñuel (1900-1983) est un réalisateur et scénariste espagnol naturalisé mexicain. Il se fait connaître, à la fin du cinéma muet, comme metteur en scène surréaliste d’avant-garde, travaillant avec Salvador Dali et le groupe surréaliste autour d’André Breton. Il réalise à cette époque un court métrage, Chien andalou (1929) qui fait scandale. Il réalise ensuite une série de courts, moyens et longs métrages, (34), tournés en Espagne, en France et au Mexique, dans quasiment tous les genres cinématographiques et dans lesquels se manifestent son caractère iconoclaste et subversif. Le Charme discret de la bourgeoisie a obtenu l’Oscar du Meilleur film étranger en 1973.  Buñuel est considéré comme l’un des réalisateurs les plus importants et les plus originaux de l’histoire du cinéma.

Interprètes :  Fernando Rey (L’ambassadeur) ; Paul Frankeur (M. Thevenot) ; Delphine Seyrig (Mme Thevenot) ; Bulle Ogier (Florence) ; Stéphane Audran (Mme Sénéchal) ; Jean-Pierre Cassel (M. Sénéchal).

Résumé : Des amis issus de la grande bourgeoisie s’invitent à diner régulièrement mais le dîner sera sans cesse repoussé pour des raisons tout aussi absurdes les unes que les autres. Chaque fois que les six amis arrivent à se retrouver, une circonstance imprévue va interrompre leur repas …

Analyse : Le charme discret de la bourgeoisie est un des films les plus fameux de la période française de Buñuel coécrit, comme tous ses films de cette période depuis Le journal d’une femme de chambre, avec Jean-Claude Carrière. Il porte la marque surréaliste chère au réalisateur, mais est également onirique et d’un profond réalisme. Ces bourgeois sont très vraisemblables, presque sympathiques, mais exactement comme Buñuel les déteste, hypocrites, pas très honnêtes (ils trafiquent de la drogue avec l’ambassadeur d’un pays imaginaire d’Amérique latine qui accueille des criminels nazis et que ce dernier trouve « raffinés »), superficiels, futiles, idiots ou minables, racistes, méprisants envers le petit peuple. Il donne libre cours, avec un humour féroce, un regard ironique et mortifère, à tous ses thèmes critiques favoris, le couple et l’infidélité, le clergé, l’armée, les idées réactionnaires. Le film est fondé sur un principe simple : la répétition à l’infini de l’interruption des situations. À sept reprises le dîner est interrompu mais chaque fois avec des situations de plus en plus extraordinaires, violentes et absurdes. Dans ces répétitions en surgissent d’autres qui viennent tantôt du rêve, ou plutôt du cauchemar, comme ce dîner où ils sont attablés et se retrouvent soudain sur une scène de théâtre face à un public qui attend les répliques qu’ils ne connaissent pas et qui finit par les siffler, ce qui renvoie à la vacuité de leur milieu factice plein d’artifices, ou tantôt de l’absurde, comme cette brasserie où il n’y a plus de café, ni de thé, ni de verveine, mais seulement de l’eau, ou encore la marche inexpliquée de ces six bourgeois cheminant le long d’une route de campagne, désespérément droite, qui semble n’aller nulle part ; vers la mort ? Car la mort est également omniprésente, comme l’auberge transformée en salle mortuaire, ceux qui tuent, comme cet évêque meurtrier ou ces terroristes, ceux que l‘on tue ; cette classe bourgeoise ignorerait-elle qu’elle est morte ?  La critique de cette société est irrévérencieuse, truculente, drôle, légère, d’une ironie discrète, servie par une construction rigoureuse et une mise en scène précise et brillante. Un film complexe, audacieux, étrange, qui mêle rêve, réalité, fantastique, absurdité des situations, hors de toute rationalité, qui engendre un certain malaise accentué par la quasi absence de musique, mais qui a un charme qui n’est pas discret et qui n’est certes pas celui de la bourgeoisie.

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