Cannes 8 juillet

L’euthanasie est au cœur du film Tout s’est bien passé de François Ozon. C’est un réalisateur français de 53 ans, auteur prolixe d’une vingtaine de longs métrages, notamment Huit femmes, Dans la maison, L’amant double, Grâce à Dieu et Été 85. Son film présenté à Cannes est l’adaptation du roman d’Emmanuèle Bernheim, qui retrace l’histoire d’une femme dont le père, homme curieux de tout, aimant la vie, passionné d’art, demande à sa fille de l’aider à mourir après un accident vasculaire cérébral. Le sujet de la mort a déjà irrigué plusieurs films de François Ozon (Sous le sable, Le temps qui reste, Frantz).  Mais on pouvait craindre un tel le choix après les moments que le monde a vécu et s’apprête probablement à vivre encore. Toutefois le ton que donne Ozon a son film n’a paradoxalement rien de dramatique. Aucun pathos, un drame tout en retenue, quelques saillies d’humour qui prêtent à sourire et une certaine ironie. Le réalisateur aborde sans fard et sans détour le sujet sociétal de l’euthanasie, sujet toujours d’actualité. Mais il traite également du rapport parent-enfants en particulier d’une fille avec un père en fin de vie. On comprend, par des flash-back que ce père n’a pas toujours été à la hauteur vis-à-vis de sa fille, ; il a été surtout centré sur sa vie, bisexuel, élégant, passionné d’art, certainement très égoïste, car c’est un cadeau empoisonné qu’il offre à sa fille préférée en lui demandant de l’aider à mourir. Le film a tout son intérêt par le jeu exceptionnel d’André Dussollier, à peine reconnaissable, qui mériterait un prix d’interprétation, et par celui tout en finesse de Sophie Marceau. Mais c’est un film assez plat qui ne nous épargne absolument rien du parcours médical de ce vieux monsieur, ce dont on aurait pu se passer.

Le second film dont je voudrais vous parler est celui du réalisateur israélien Nadav Lapid, qui a fait partie de nombreux jury internationaux de films et a obtenu l’Ours d’or à la Berlinale 2019 pour son beau film Synonyme. C’est son 5ème long métrage qui s’intitule Ha’Berech, ou Le genou d’Ahed. Dans ce film il retrace la trajectoire d’un cinéaste, Y, qui va seul dans une petite ville du désert présenter un de ses film et qui se jette dans deux combats voués à l’échec : l’un contre la mort de la liberté dans son pays, l’autre contre la mort de sa mère. Lapid a réalisé son film le plus radical à ce jour. Une auto-fiction d’un cinéaste combattant des démons personnels, professionnels et politiques. Un brulot contre le gouvernement israélien qui instaure la censure, qui rétrécit l’horizon mental et culturel de son peuple, qui s’enferme sur lui-même refusant de reconnaître l’existence d’autres pays. « Nation en décomposition » nous dit Y.  On se demande comment il a échappé à la censure. Certes le réalisateur atténue le propos en présentant Y comme un traumatisé de la guerre, un désespéré, un manipulateur, un pervers. 

Un film audacieux sur le plan cinématographique. De l’ouverture, qui suit une moto traversant un Tel-Aviv à l’allure d’un boulet de canon dans le bruit et la pluie, aux scènes du désert où la caméra virevolte, tourne sur son axe, saute dans les airs, des mouvements qui peuvent surprendre au début mais que l’on accepte car Lapid invente son propre langage cinématographique. Un film très puissant.

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