Marcher sur l’eau

Autrice : Aïssa Maïga est une actrice et réalisatrice française née en 1975 à Dakar. Elle obtient son premier rôle au cinéma en 1996 aux côtés d’Yvan Attal et Richard Bohringer, dans Saraka Bo de Denis Amar, et enchaîne les seconds rôles. Le public français la découvre notamment en 2004 grâce à ses rôles dans Les poupées russes de Cédric Klapish et dans L’un reste, l’autre part de Claude Chabrol. Elle apparaît également dans Caché de Michael Haneke (2005) et dans Je vais bien, ne t’en fais pas (2006) de Philippe Loiret. Elle tient le rôle principal dans Bamako (2006) d’Abderrahmane Sissako qui lui vaut une nomination pour le César du meilleur espoir féminin, et dans six autres films. En Italie elle tient aussi le premier rôle féminin de la comédie dramatique Bianco e Nero de Cristina Comencini qui lui vaut le Prix du Festival du film italien de Bastia. Tout en poursuivant une carrière très dense d’actrice tant au cinéma qu’au théâtre, elle est la co-autrice de l’ouvrage Noire n’est pas mon métier qu’elle a dirigé. Elle réalise en 2007 un premier court métrage, Laissez-les grandir ici ! avec le Collectif des cinéastes pour les sans-papiers. En 2021 elle réalise deux documentaires, Regard noir avec Isabelle Simeoni et Marcher sur l’eau qui a été sélectionné à Cannes 2021 dans la section Cinéma pour le climat. Sa carrière est couronnée de très nombreux prix. 

Analyse : Marcher sur l’eau est un documentaire tourné entre 2018 et 2020 dans le nord du Niger qui nous raconte l’histoire du village peul de Tatiste, victime comme tout le continent africain du réchauffement climatique. La réalisatrice nous montre les difficultés quotidiennes des habitants qu’engendre ce phénomène. Chaque jour Houlaye quatorze ans, comme d’autres jeunes filles, marche des kilomètres pour aller puiser l’eau. Cette tâche quotidienne les empêche, en particulier, d’être assidues à l’école. Cette absence d’eau pousse également les adultes à quitter leur famille chaque année pour aller chercher au-delà des frontières les ressources nécessaires à leur survie. Sur ce sujet tellement commenté l’actrice et réalisatrice Aïssa Maïga ne nous assomme pas avec des discours scientifiques. Elle choisit de nous mener en douceur, avec sensibilité, à la conscience de ce que peut représenter pour certains peuples le danger de disparition en raison du dérèglement climatique. Sans moralisme elle filme simplement le vécu, la réalité de ce peuple. Sa caméra se concentre essentiellement sur les femmes et les enfants, les victimes majeures de ce phénomène. On suit la vie d’une famille avec ses moments de douceur : un père qui lave son tout petit garçon avec le peu d’eau dont il dispose, un petit bout de chou qui se lave consciencieusement les bras ; des moments de bonheur simple mais des moments de déchirement aussi, la mère qui part vers le Nigéria proche pour aider la famille, le père qui part pour de très nombreuses semaines avec son troupeau dans l’espoir de trouver du pâturage, laissant à Houlaye la charge de la famille. Une Houlaye d’une maturité étonnante, tellement belle qu’on pourrait croire à une fiction de cinéma. La cinéaste nous offre de somptueuses images de cette région devenue désertique, parsemée de quelques arbres chétifs, alors qu’avant la végétation était si dense que les enfants pouvaient s’y perdre. 

L’unique instituteur du village avec des enfants de tous âges, leur explique qu’un lac souterrain de plusieurs milliers de kilomètres s’étend sous leurs pas, ce qui fait dire joliment à Houlaye qu’ils marchent sur l’eau. Il suffirait d’un forage.  Malgré les efforts du village pour l’obtenir des autorités, c’est par l’action de l’ONG Amman Imman qu’un forage apportera l’eau tant convoitée. Une dernière scène émouvante où les enfants pataugent gaiement sous le geyser d’eau sorti du sol.

Laisser un commentaire