L’évènement

Autrice : Née en 1980, d’origine libanaise, Audrey Diwan écrit son premier roman en 2008, « La Fabrication d’un mensonge », après des études en journalisme et sciences politiques. Parallèlement à l’écriture, elle occupe des hauts postes au sein de rédactions de magazines culturels comme Glamour ou Stylist. Également passionnée de cinéma, elle rédige des scénarios. C’est par ce biais qu’elle rencontre le metteur en scène Cédric Jimenez, qui devient son compagnon et avec lequel elle collabore sur la totalité de ses projets, notamment le récent Bac Nord (2021). En 2018 elle réalise son premier long métrage, Mais vous êtes fous. Son second, L’évènement a remporté le Lion d’Or à la Mostra de Venise 2021.

Interprètes : Anamaria Vartolomei (Anne) ; Kacey Mottet Klein (Jean) ; Sandrine Bonnaire (la mère) ; Pio Marmai (le professeur). 

Résumé : France, 1963. Anne, étudiante prometteuse, tombe enceinte. Elle décide d’avorter, prête à tout pour disposer de son corps et de son avenir. Elle s’engage seule dans une course contre la montre, bravant la loi, au risque d’en mourir. 

Analyse : En adaptant à l’écran le livre éponyme d’Annie Ernaud, la réalisatrice Audrey Diwan nous transporte dans la France des années 1960 corsetée et puritaine, dans laquelle l’avortement était réprimé par le code pénal et passible de prison (il faudra attendre la loi Veil du 17 janvier 1975 pour que l’avortement soit dépénalisé). Elle nous plonge dans un conflit intime dramatique que beaucoup de nos mères et grand-mères ont vécu : comment ne pas subir une grossesse non désirée qui brisera vos projets d’avenir et votre jeunesse, quel autre recours que l’avortement clandestin avec ses conséquences parfois dramatiques, infertilité et mort. Pour nous faire vivre au plus près les tourments d’Anne, jeune étudiante brillante qui espère sortir d’une situation sociale modeste par ses études, elle utilise un format 4/3, une caméra à l’épaule qui la suit au plus près, souvent en plans très serrés, de nombreux plans-séquences, moyens efficaces pour nous transmettre tout le désarroi, l’angoisse, la peur, la solitude de cette jeune fille livrée à elle-même face à la lâcheté de son entourage et à une situation qui engagera toute sa vie. Une angoisse accentuée par l’indication sur l’écran des semaines qui passent. Le hors champ est facilement gommé, peu d’indications sur le contexte de l’époque, pour signifier l’intemporalité d’une question qui fait débat de manière récurrente (voir Texas ou Pologne, sans évoque d’autres pays dans le monde). En même temps la réalisatrice fait un acte politique ; c’est le récit d’une émancipation, de la volonté d’une femme de disposer de son corps, de ne pas se plier au dictat d’une société patriarcale et rétrograde, de vivre ses ambitions et ses désirs en toute liberté. Car de désirs il est aussi question dans ce film, du désir et du plaisir féminin qui veut s’exprimer librement, même si dans votre entourage on vous condamne en vous traitant de « pute », du désir de s’élever socialement sans subir l’entrave d’une grossesse non désirée.

Le film est magnifiquement porté par Anamaria Vartolomei, qui est de tous les plans, et incarne Anne avec sensibilité, force, détermination, et une intelligence qui permet au spectateur d’être en totale empathie avec sa souffrance.

On peut regretter toutefois une mise en scène parfois répétitive, trop sage et qui prenant le parti de l’explicite en voulant tout montrer manque parfois de subtilité.

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