Golda Maria

Auteurs : Patrick Sobelman, né en 1956 est un producteur, scénariste, acteur, réalisateur français. Il est associé dans la société de production Agat Films & Cie – Ex Nihilo. Il est l’un des membres du Club des 13 (groupe formé en 2008 à l’initiative de la réalisatrice Pascale Ferran pour dénoncer les difficultés de financement et de distribution des films dit « du milieu »). Hugo Sobelman, né en 1988 est un réalisateur, scénariste, monteur français. Il commence comme assistant de production, puis comme assistant réalisateur sur plusieurs films dont « Queen of Montreuil » de Sólveig Anspach.

Résumé : Dans un documentaire, le producteur Patrick Sobelman, épaulé par son fils Hugo, fait témoigner sa grand-mère qui a connu l’horreur de la déportation.

Analyse : Un documentaire bouleversant dans lequel cette vieille dame de 84 ans témoigne trois jours durant en 1994 de son parcours depuis sa naissance en Pologne, le départ de ses parents pour l’Allemagne (Dantzig, puis Berlin) fuyant les pogroms, son installation en France, fuyant le nazisme, son internement dans les camps de concentration nazis. C’est un témoignage qui avait la finalité de rester dans les archives familiales ; mais Patrick Sobelman et son fils l’ont transformé près de trente ans après en un film, tout en gardant le matériau brut d’un tournage en plans fixes avec une vielle caméra amateur. L’imperfection technique, les maladresses du film en font d’ailleurs toute la beauté.

Golda Maria Tondovska est très attachante. Avec une émotion contenue, un léger accent d’Europe centrale, une mémoire qui se cherche et ne suit pas toujours la chronologie des faits, elle nous entraîne dans ce qu’a été sa vie, son amour pour la France, son mariage à Paris, la naissance de ses deux enfants, et la confiance qu’elle avait au point de ne pas fuir en Suisse comme son mari et sa fille, car elle tenait à voir depuis la France la victoire contre les Allemands. Quand elle se décide à partir en 1944 avec son fils Robert de près de trois ans et sa belle-mère, c’est trop tard ; elle est arrêtée par la Gestapo, déportée depuis Drancy en 1944 dans l’avant dernier convoi pour Auschwitz, puis Bergen-Belsen et Theresienstadt où elle sera libérée. Elle conte avec une infinie pudeur et même parfois avec humour, la survie, les petits arrangements (les femmes « s’invitaient à dîner » les unes chez les autres et préparaient en parole de délicieux plats qu’elles savouraient les yeux fermés). Elle est seule avec la solidarité des autres internées, son fils et sa belle-mère ayant été gazés dès leur arrivée à Auschwitz. Un long récit intime et pudique, d’une grande dignité où affleurent l’émotion, les larmes retenues. Un récit qui acquiert une portée universelle, une pierre supplémentaire aux quelques récits de rescapés, précieux car elle le confie à son petit-fils dans la cadre d’une conversation intime et « qui est aussi pour elle la quête de sa vérité » (Annette Wievjorka). Un récit nécessaire lorsque l’on sait que 34% des jeunes ignorent ce qu’est la Shoah !  

Elle a mis quarante-neuf ans à parler. Par sidération devant l’indicible vérité, « on ne voulait pas nous-mêmes y croire », par peur de ne pas être crue « c’était impossible, on ne nous aurait pas cru ». La respiration du spectateur dans ce documentaire bouleversant est donnée par des photos de famille qui viennent entrecouper le film, images du bonheur retrouvé, sur une plage, après l’horreur.

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