Petite nature

Auteur : Samuel Theis, né en 1978, est un réalisateur, acteur, scénariste français. Il grandit à Forbach en Lorraine avant de se tourner vers le théâtre où il obtient plusieurs rôles. Il est Talent Cannes Adami en 2007 et joue notamment dans Oui, peut-être de Marilyne Canto, et interprète Louis XIV dans Versailles, le rêve d’un roi, de Thierry Binisti. En 2008, il écrit et collabore à la mise en scène de Forbach, avec Marie Amachoukeli et Claire Burger. Le film est à la frontière entre documentaire et fiction. Il s’inspire de l’histoire de la famille Theis dont les membres jouent leurs propres rôles. Le film obtient le grand prix national au festival de Clermont-Ferrand 2009, ainsi que le 2e prix au festival de Cannes 2008 (Cinéfondation). Il continue d’exercer son métier d’acteur tant au théâtre qu’à la télévision ; on a pu le voir notamment dans la série Un village français de Fréderic Krivine et Philippe Triboit. En 2011, il met en scène au théâtre la pièce Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce. En 2012, il intègre l’atelier scénario de la Fémis. En 2013 il tourne son premier long métrage, Party Girl coréalisé avec Marie Amachoukeli et Claire Burger. L’ensemble des acteurs sont des non-professionnels habitant la Moselle et la Sarre. Le film inspiré librement du personnage de sa mère remporte le prix d’ensemble à un certain regard et la Caméra d’or au festival de Cannes (2014). Son second long Petite nature a obtenu le Valois des Étudiants francophones au Festival du film francophone d’Angoulème 2021 et le Prix du meilleur film au Festival international du film de Thessalonique 2021. Il a été sélectionné à la Semaine Critique, Cannes 2021.

Interprètes : Aliocha Reinert (Johnny) ; Antoine Reinartz (L’instituteur) ; Melissa Olexa (la mère) ; Izä Higelin (La femme de l’instituteur).

Résumé : Johnny a dix ans. Il est élevé dans un milieu populaire dans une cité HLM en Lorraine ; à son âge il ne s’intéresse qu’aux histoires des adultes et doit assumer beaucoup de tâches domestiques. Cette année, il intègre la classe de Monsieur Adamski, un jeune titulaire qui croit en lui et avec lequel il pousse la porte d’un nouveau monde.

Analyse : C’est un film sensible, subtil et pudique que réalise Samuel Theis, après son beau Party Girl. C’est toujours dans la même zone géographique, l’est de la France, plus spécialement Forbach que le cinéaste situe son action avec une grande part d’autobiographie. Dans son film précédant c’était l’histoire de sa mère, entraîneuse de cabaret. Cette fois-ci c’est la naissance du désir chez un enfant issu d’un milieu défavorisé. « C’est mon histoire jusqu’à un certain point » nous dit le réalisateur. Johnny est un gamin de 10 ans qui détonne dans son milieu. Il est frêle, fragile, sensible, le visage délicat couronné de ses longs cheveux blonds bouclés, mais un air grave. Sa mère lui enjoint d’être plus viril, de se battre pour ne pas souffrir des autres. Elle ne comprend pas bien sa différence. Contrairement aux codes de son milieu social il aspire à une autre vie, faite de culture, de savoir. Il ne supporte plus la trivialité de ses proches. Sous son air d’angelot il a du répondant verbal et est très futé. L’ouverture de ce monde qui l’attire lui est donnée par son instituteur, homme doux, charismatique, disponible pour ses élèves. Il a compris le potentiel que représente cet enfant qui est devenu son chouchou. L’originalité du film est que si le désir entre adultes et enfants a été le plus souvent analysé de côté des adultes, cette fois c’est le contraire. A hauteur d’enfant, Theis filme la fascination de Johnny pour son instituteur qui l’ouvre à la culture ; attirance intellectuelle qui progressivement se transforme en amour et en désir charnel. L’éveil de la libido chez un préadolescent est un sujet délicat, périlleux, que le réalisateur traite avec sensibilité, dignité, intelligence et une infinie délicatesse. Aucune ambigüité malsaine. Le professeur réagit durement et de manière responsable aux avances du petit garçon. Aucun regard moral du réalisateur ni sur l’attitude de Johnny, ni sur sa mère dépassée par sa vie et par son rôle de mère, qui collectionne les amants et les verres de bière. Au contraire, il porte sur ce milieu social, qui semble avoir été le sien, un regard plein d’humanité. « J’ai tenté de retrouver ce que je ressentais à cet âge, insiste le réalisateur, sans apporter le jugement de l’adulte que je suis devenu » nous dit-il.

Pour plus de réalisme il a choisi essentiellement des acteurs non professionnels excepté l’instituteur (Antoine Reinartz, remarquable) et sa femmes (Izïa Higelin). Ils sont tous criants de vérité. Johnny est interprété avec un talent époustouflant par Aliocha Reinert dont c’est la première apparition à l’écran et qui porte le film en lui insufflant une sensibilité, une finesse, une émotion qui augurent une belle carrière. Il en est de même pour Melissa Olexa, parfaite dans le rôle de la mère, très juste de ton. 

Un magnifique film d’apprentissage de la vie, de l’amour déçu.

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