Classified people

Autrice : Yolande Zauberman, née en 1955, est une scénariste et réalisatrice française de films documentaires et de fiction. Elle aborde le cinéma en travaillant aux côtés de Amos Gitaï. Elle réalise en 1987 un premier documentaire sur l’apartheid en Afrique du Sud, Classified People, qui remporte entre autres le grand prix du Festival de Paris et le Bronze Rosa au Festival de Bergame. Le second, Caste criminelle (1989), est tourné en Inde et est sélectionné au Festival de Cannes. Trois ans plus tard, elle signe son premier long métrage de fiction, Moi Ivan, toi Abraham, qui obtient le prix de la Jeunesse au Festival de Cannes en 1993, ainsi que le grand prix du Festival de Moscou. S’ensuivent deux films, Clubbed to Death (Lola) (1996) et La Guerre à Paris (2001). En 2004 elle retourne au documentaire avec Un juif à la mer. Suit un film sur Jean-Michel Basquiat. En 2012, elle poursuit la réalisation de l’œuvre Oh, Je vous veux ! film-installation à la croisée du cinéma et de l’art contemporain. En 2012, elle réalise un documentaire Would you have sex with an Arab ? En 2018, son documentaire M a reçu le Prix spécial du jury au Festival de Locarno et le Bayard d’or du meilleur film au Festival international du film francophone de Namur.

Résumé : Nous sommes en 1987 en Afrique du Sud où sévit un cruel apartheid qui divise certaines familles, comme celle filmée dans ce documentaire.

Analyse : Yolande Zauberman a l’art des documentaires bouleversants. Son précédent, M, portait sur un sujet tabou : les viols subis par les enfants dans la communauté de juifs ultra-orthodoxes à Bnei Brak, en Israël (voir la fiche du 2 avril 2019). Classified people qui date de 1988 ressort sur les écrans français et il est heureux que l’on puisse le voir ou le revoir dans un contexte ou quelques rappels historiques ne sont pas inutiles contre certains courants de pensée tentés par le fascisme, la xénophobie ou le racisme. En 1948 étaient votées en Afrique du Sud des lois infâmes de ségrégation raciale qui classifiaient la population en trois catégories en fonction de leur couleur de peau. De plus des enquêtes, des contrôles, des dénonciations étaient organisé.e.s afin d’assurer la suprématie des Blancs. Que ces lois aient pu perdurer pendant quarante-trois ans (elles ne seront abolies qu’en 1991), donne le vertige. Ce documentaire, le premier de la réalisatrice, tourné clandestinement, est poignant. Il met l’accent sur les ravages de l’apartheid au sein d’une même famille. Dans les premières images la caméra s’attarde sur le visage d’un homme jeune blanc qui, dans un magnifique travelling latéral, parcours l’Afrique du Sud. Il raconte en voix off sa sidération d’avoir vu lors des émeutes de Crossroads (1985), des scènes de « guerre totale », du supplice du collier (qui consiste à bruler vif un être humain entouré d’un pneu enflammé), qui l’ont profondément choqué au point de quitter son pays avant d’y revenir, alors qu’à quelques kilomètres de là, dans la communauté blanche tout était tranquille, dans la plus grande ignorance de ces atrocités. Yolande Zauberman choisit de filmer dans leur intimité Robert et Doris. Lui est né d’une mère blanche, a épousé une française alors qu’il était soldat en France, a eu des enfants qui ont été classé blancs et qui ont rejeté leur père, classé métis. Avec sa seconde épouse noire Doris, il se livre, avec pudeur et une dose d’optimisme qui force le respect. De temps à autre apparait à l’écran un vieux blanc qui semble ivre et qui tient des propos hallucinants qui reflètent l’état d’esprit de la population blanche d’alors (et de maintenant ?), dans le style : l’intelligence dépend de la longueur des cheveux ; donc les noirs sont bêtes, ils n’ont pas de cerveau ! de toute façon, pour ce triste sire ils ne sont pas des humains… 

Le talent de la réalisatrice, qui s’est largement confirmé par la suite, est déjà dans ce moyen métrage brillant à l’esthétique soignée. Elle filme ses personnages au plus près en donnant, comme souvent, avec courage, une résonnance politique.

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