La machine à écrire et autres sources de tracas

Auteur : Nicolas Philibert, né en 1951 est un cinéaste français. Tout en poursuivant des études de philosophie il débute comme stagiaire sur le tournage du film Les Camisard de René Allio (1970) puis est engagé comme accessoiriste sur Rude journée pour la reine de René Allio (1973). Il travaille également auprès d’Alain Tanner. Il co-réalise avec Gérard Mordillat La voix de son maître (1978). Il se lance ensuite dans la réalisation de longs métrages documentaires. Avec La Ville Louvre (1990) il dévoile les coulisses du Louvre qui réorganise les espaces.  Dans Le pays des sourds (1992), il nous entraîne à la rencontre de ceux qui, sourds profonds depuis leur naissance, appréhendent le monde avec le regard et le toucher. Suivent d’autres documentaires. Il s’intéresse à la psychiatrie dans La moindre des choses (1996), sur la clinique psychiatrique de La Borde, qui dans le monde de la psychiatrie, est devenu un film culte. En 2001 il tourne Être et avoir sur la vie quotidienne d’une école à classe unique dans un petit village d’Auvergne, récompensé par le Prix Louis Delluc et qui a obtenu un immense succès en France et dans le monde. De chaque instant (2018) nous entraîne à Montreuil, dans un institut de formation en soins infirmiers. Il a reçu l’Ours d’or à la Berlinale 2023 pour Sur l’Adamant. Averroès et Rosa Parks est le deuxième volet d’une trilogie dont le dernier est La Machine à écrire et autres sources de tracas.

Résumé : Le film poursuit sa plongée au sein du pôle psychiatrique Paris centre. Ici, le cinéaste accompagne des soignants bricoleurs au domicile de quelques patients soudain démunis face à un problème domestique, un appareil en panne, etc

Analyse : Avec ce troisième volet sur la psychiatrie, après Sur l’Adamant (voir la fiche du 24 avril 2023) et Averroès et Rosa Parks (voir la fiche du 25 mars 2024), Nicolas Philibert filme cette fois-ci quelques patients, aperçus notamment sur L’Adamant, dans leur lieu intime. Un groupe de soignants bricoleurs, appelé « l’orchestre », va régulièrement chez tel ou tel confronté à un problème domestique. C’est aussi pour eux un prétexte pour prendre des nouvelles, pour rester en contact. Ils sont d’un dévouement et d’une humanité remarquable. En suivant ces soignants bricoleurs le réalisateur plante sa caméra dans quatre appartements où les patients rencontrent des pannes d’appareils qui rendent leur quotidien difficile. Patrice, déjà rencontré sur l’Adamant est un peu en panique. Sa machine à écrire est tombée en panne. Or il s’est donné pour tâche d’écrire deux poèmes par jour. Il est à la tête de huit milliers de textes. Chez Muriel, c’est son lecteur de CD qui est en panne. Elle dit au réalisateur, qui cette fois dialogue avec ceux qu’il filme (« Eh moi alors » dit-il à Muriel qui offre des chocolats aux soignants et pas à lui !), « Ça frappe la tête, le silence. Quand tu es seule, tu penses à la mort. À la mort noire, pas à la blanche ». D’où la nécessité d’écouter sa musique, Joan Baez et surtout Janis Joplin qu’elle écoute en boucle. On passe ensuite dans la colocation d’Yvan et Gad confrontés à un problème d’imprimante, où l’on voit Yvan qui fait des études de musique, pianiste talentueux. Puis on passe à l’appartement de Frédéric. Dans le film sur L’Adamant il frappait par sa grande culture du monde de l’art. Il a fait des études à l’École des arts appliqués et peint de grands tableaux colorés. Il vit au lieu de centaines de livres, de souvenirs d’enfance, de disques vinyles, dans un capharnaüm que les « bricoleurs » sont venus ranger. Une personnalité très attachante et qui ne manque pas d’humour. Un livre de Jean Cocteau tombe, « Je l’ai remis à sa place, il était un peu envahissant ». Aucun d’eux ne semble fou ou folle ; leur discours est cohérent et sensé, souvent profond et intéressant, mais on les sent dans une grande solitude, en proie à leurs démons. 

Comme dans ses films précédents c’est avec tendresse, humanité et délicatesse que Nicolas Phiilibert nous introduit dans ce monde complexe de la psychiatrie, en donnant une touche finale à sa trilogie, cette fois-ci dans l’intimité des patients, hors du cadre hospitalier. Les soignants sont quand même toujours à leur côté, certes pour réparer les objets mais également les âmes.   

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