Une famille

Autrice : Christine Angot, née en 1959, est une romancière et dramaturge française. Elle pratique fréquemment la lecture publique de ses textes, notamment sur scène. L’œuvre littéraire de cette figure emblématique de l’autofiction, ainsi que ses nombreux articles et ses interventions médiatiques, suscitent souvent la controverse. Depuis la parution de L’inceste en 1999, elle est devenue une personnalité de la littérature francophone contemporaine, autrice d’une vingtaine de romans et de trois pièces de théâtre. Elle est lauréate du prix France Culture en 2005, du prix de Flore en 2006, du prix Décembre en 2015 et du prix Médicis en 2021. Elle est membre de l’Académie Goncourt depuis 2023. Une famille est son premier film en tant que réalisatrice. Il a été présenté à la Berlinale 2024.

Résumé : L’écrivaine Christine Angot est invitée pour des raisons professionnelles à Strasbourg, où son père a vécu jusqu’à sa mort en 1999. C’est la ville où elle l’a rencontré pour la première fois à treize ans, et où il a commencé à la violer. Sa femme et ses enfants y vivent toujours. Angot prend une caméra, et frappe aux portes de la famille.

Analyse : C’est un documentaire percutant, terrifiant, sur les ravages profonds que peut occasionner le viol d’une gamine de 13 ans par son propre père. Quand on voit les conséquences que de telles infamies peuvent avoir sur les femmes qui, adultes, n’arrivent toujours pas à se reconstruire, on se dit que ces pères si « aimants » ce sont de véritables monstres. Se rendent-ils compte des ravages qu’ils provoquent ? C’est un cri de rage, un cri de désespoir, un cri du cœur que pousse Christine Angot avec l’espoir d’être enfin reconnue, pour avancer dans la vie sans ce souvenir de tous les jours. Un épisode particulièrement pénible chez la femme de son père dont elle doit forcer littéralement la porte, car elle ne veut pas recevoir Christine qui est celle par qui le scandale arrive. Ce n’est certes pas par l’auteur du crime qui demeurera toujours aux yeux de cette femme, si soucieuse de bienséance, « l’homme de (sa) vie ». Il faut dire que la dénonciation de l’inceste provoque l’éclatement et la ruine de la famille, l’opprobre général sur elle, quelque fois la mise en danger de la situation économique de la femme. Il est donc plus facile d’ignorer les souffrances d’une petite fille, que l’on refuse de voir par une immense lâcheté de préservation. Tout ce que veut Christine Angot c’est la reconnaissance, même tardive, de ce crime qu’elle a subi pendant de longues années. Faire parler ceux qui savaient, qui auraient dû la protéger, et qui ont détourné les yeux. Sa mère, tardivement, fait acte de repentance et esquisse même quelques larmes.  

La démarche de Christine Angot, pour en finir comme elle le dit avec cette histoire, est courageuse, remarquable et nécessaire. En voyant la violence de sa souffrance encore actuelle on réalise à quel point cet acte révoltant est lourd de conséquences et on ne peut pas ne pas se poser la question : combien de femmes vivent avec cette souillure et continuent de se taire ? Ce documentaire nécessaire leur permettra, il faut l’espérer, de libérer une parole trop longtemps tue. Christine Angot aura alors parfaitement réussi son combat.

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