Apolonia, Apolonia

Autrice : Lea Glob est une réalisatrice danoise née en 1982. Elle a étudié à la National Film School du Danemark dont elle sort diplômée en 2011. Après avoir réalisé un court métrage elle réalise quatre longs : Olmo et la mouette (2015), Venus (2017), Love Child (2019). Apolonia, Apolonia est sorti en 2022 mais le tournage avait commencé en 2010.

Résumé : Ce documentaire retrace sur treize années la vie et l’entourage d’une jeune artiste française, Apolonia Sokol.

Analyse : Ce qui devait être un film de fin d’études s’est transformé, chez la réalisatrice danoise Lea Glob en un documentaire, sur treize ans, de la vie de l’artiste Apolonia Sokol, de 2010 à 2022. On suit Apolonia depuis sa vie de bohème dans le Théâtre fondé par ses parents à la Goutte d’or le Lavoir Moderne parisien où elle a vécu enfant et qu’elle veut sauver de la liquidation judiciaire. Elle y retrouve tous ses souvenirs et notamment les centaines de cassettes vidéo filmées par ses parents sur leur propre vie, leurs ébats amoureux la nuit de sa conception, sa mère sur la table d’accouchement, et toute l’enfance merveilleuse de la petite Apolonia. Un bonheur qui aura été de courte durée car ses parents divorceront et à 8 ans sa mère l’emmènera au Danemark. La jeune fille qui se sent profondément artiste revient à Paris à 18 ans où elle entre aux Beaux Arts et commence sa vie de bohème dans le théâtre qu’elle tente de sauver. Le film s’attarde dans une première partie surtout sur la personne de l’artiste et son entourage. Elle se lie d’une amitié forte et intime avec une jeune femme fragile, touchante, devenue une sœur de cœur, Oksana Chatchko, co-fondatrice du mouvement Femen, contrainte de fuir son pays, l’Ukraine, en raison de ses engagements féministes radicaux. C’est une vie chaotique faite de grandes soirées et d’échanges au Théâtre avec une multitude de gens qui passent. Apolonia obtient son diplôme des Beaux Arts. C’est une artiste féministe et très féminine mais qui ne veut rien des attributs de la féminité classique, rejetant fermement l’idée de couple et de maternité. Un être libre, transgressif et sauvage, fort et fragile, émouvant, qui peint essentiellement de grands portraits figuratifs de femmes. La fermeture du Théâtre est un tournant dans sa vie. Elle part à New-York où elle est repérée et soutenue financièrement par un riche mécène, le milliardaire californien Stefan Simchowit qui lui obtient des expositions dans de grandes galeries de Los Angeles. Lea la suit. Elle montre une artiste qui commence à se perdre, à douter, dans ce monde de l’art dominé par les hommes et la rentabilité. Pour satisfaire aux demandes de son mécène elle va jusqu’à peindre dix tableaux par mois. Dans une séance de photos à laquelle elle se prête pour lui, la réalisatrice montre avec subtilité comment l’ambition qui anime tout artiste qui veut atteindre le succès peut l’éloigner de ses valeurs. Puis une autre cassure se produit. Elle apprend le suicide d’Oksana. Elle rentre en Europe, avec déjà une certaine reconnaissance du monde de l’art, où elle obtient, consécration importante, une résidence à la Villa Médicis de Rome. 

Ce long récit d’un apprentissage est également celui d’un compagnonnage avec le portrait de deux autres figures de femmes : celle de Lea Glob qui a créé un lien fort de sororité avec « Api » et qui s’invite également dans le film. Lorsque sa maternité risque de tourner au drame en lui ôtant la vie, la caméra la suit pendant sa convalescence et elle devient un personnage incontournable et du documentaire et de la vie d’Apolonia. Tout comme, essentiellement dans la première partie, Oksana, cette âme sœur sensible, fragilisée par un exil mal assumé. Dans ce documentaire très attachant la réalisatrice porte un regard sensible et passionné sur ces vies de femmes artistes. 

Si dans la première partie on est un peu frustré.e.s de voir peu de toiles d’Apolonia Sokol, en revanche à partir de la seconde partie son talent nous est largement exposé. Des toiles monumentales représentant essentiellement des femmes. On peut admirer la beauté et la justesse du trait. Toutefois, ces personnages figés, sans chair, ne suscitent chez moi aucune sympathie, aucun sourire, aucune compassion. C’est la représentation d’un monde qui semble trop souvent sans vie. Aimerais-je vivre avec ces œuvres ?

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