Le Gang des Bois du Temple

Auteur : Rabah Ameur-Zaïmeche, né en 1966, est un réalisateur, scénariste, acteur, producteur franco-algérien. À 2 ans ses parents quittent l’Algérie pour s’installer en région parisienne. Après des études de sciences humaines, il tourne à Montfermeil, dans la Cité des Bosquets, son premier long métrage, Wesh Wesh, qu’est-ce qui se passe ? (2001), qu’il a financé lui-même en vendant ses parts de l’entreprise de son père. Il y joue le rôle principal. Après ce coup d’essai lauréat du prix Louis Delluc du Meilleur premier film et salué par sa vision de la banlieue très éloignée des clichés, le réalisateur part tourner son deuxième long métrage, Bled Number One (2005) dans sa région natale, au Nord-est de l’Algérie. Le film, présenté en Sélection Officielle à Cannes (section Un Certain Regard) en 2006, y remporte le Prix de la Jeunesse. Deux ans plus tard, il revient sur la Croisette, à la Quinzaine des réalisateurs, avec Dernier maquis. Il réalise en 2011 Les Chants de Mandrin, sélectionné aux festivals de Locarno et Vienne, qui obtient le prix Jean Vigo. En 2015, son 5ème long métrage, Histoire de Judas est sélectionné au festival de Berlin et reçoit le Prix du jury œcuménique. Suivent Terminal Sud (2019) et Le Gang des Bois du Temple (2022).

Interprètes : Régis Laroche (Monsieur Pons) ; Philippe Petit (Bébé) ; Marie Loustalot (Linda) ; Kenji Meunier (Mouss) ; Salim Armeur-Zaïmeche (Tonton).

Résumé : Un militaire à la retraite vit dans le quartier populaire des Bois du Temple. Au moment où il enterre sa mère, un petit groupe de malfrats de la cité s’apprête à braquer le convoi d’un richissime prince arabe…

Analyse : C’est un polar sur un braquage, reprenant un évènement qui a eu lieu en 2014, vrai braquage au cours duquel un gang de petits délinquants de Seine-Saint-Denis a attaqué sur une bretelle d’autoroute le convoi d’un riche prince saoudien. Mais un film sobre, avec seulement deux scènes de violence sans hémoglobine. Rabah ­Ameur-Zaïmeche (RAZ) filme la banlieue avec douceur, empathie et sobriété. Une banlieue qui est censée être Clichy-sous-Bois, mais qui est filmée à Bordeaux et Marseille, avec de beaux panoramiques sur des barres d’immeubles à perte de vue. Une banlieue telle qu’on ne la représente pas souvent, faite de camaraderie, d’amitié, de respect, de solidarité, d’une certaine joie de vivre et de rituels sociaux. On se retrouve au bar pour jouer au tiercé, on fait des paris, on boit une bière sous une tonnelle, on nourrit les pigeons du voisinage. Mais cette vision douce et policée cache mal un substrat éminemment politique et social. RAZ est le réalisateur des bandits justiciers (Chants de Mandrin), des rapports humains verticaux ou les héros luttent dans une société hostile pour trouver leur place, que ce soit par rapport à l’archaïsme des traditions musulmanes (Wesh wesh qu’est ce qui se passe ?, Bled Number One), ou aux rapports patrons-employés (Dernier maquis). Ici la confrontation entre une bande de six habitants du quartier, chaleureux, sympathiques, faux méchants, condamnés comme trop souvent à la délinquance pour survivre et les détenteurs d’une richesse insolente. Mais le drame est que les riches ont toujours les moyens de se venger.  Au-delà de la préparation du braquage, RAZ s’attarde avec bienveillance sur leur vie quotidienne dans leur famille, dans leur quartier où ils mènent une vie sans histoires, leurs discussions au PMU en compagnie de Monsieur Pons, bonhomme tranquille, amical avec cette bande qu’il a vu grandir, qui garde parfois les enfants du voisinage. C’est un personnage central. Ancien militaire, tireur d’élite, ce qu’il n’est pas inutile de préciser, les premières scènes du film lui sont consacrées. C’est de son point de vue, à partir de son balcon, que s’ouvre le film sur un somptueux panoramique des grandes barres d’immeubles qui l’entourent. Il vient de perdre sa mère. RAZ filme la messe d’enterrement où la mythique chanteuse bretonne, aujourd’hui âgée de 73 ans, Annkrist, chante longuement le texte de la Beauté du jour, accompagnée à l’orgue. Scène magnifique d’une grande humanité et pleine de poésie. Dans une mise en scène sobre et rigoureuse, Rabah ­Ameur-Zaïmeche nous offre un de ses meilleurs films.

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