Déserts

Auteur : Faouzi Bensaïdi né en 1967, est un acteur, réalisateur, scénariste marocain. Il suit une formation de comédien à l’Institut Dramatique de Rabat puis au Conservatoire National Supérieur d’Art dramatique de Paris en 1995. Après plusieurs mises en scène au théâtre, il passe à la réalisation de courts métrages à partir de 1997 avec notamment La Falaise qui obtient 23 récompenses dans des festivals. Il co-écrit le scénario de Loin d’André Techiné en 1999 puis signe son premier long métrage Mille mois en 2003. Il réalise WWW. What A Wonderful Word en 2006, Puis Mort à vendre en 2911. Son film Volubilis est sélectionné dans la section Venice Days à la Mostra de Venise 2017. Déserts a été sélectionné à la Quinzaine des cinéastes de Cannes 2023.

Interprètes : Fehd Benchemsi (Hamid) ; Abdelhadi Talbi (Mehdi).

Résumé : Employés d’une agence de recouvrement de Casablanca, deux jeunes hommes arpentent des villages lointains du grand sud marocain pour soutirer de l’argent à des familles surendettées…

Analyse : Un film étrange, attachant. Deux pieds nickelés, Hamid et Mehdi, parcourent la campagne marocaine pour récupérer l’argent que de pauvres paysans ont eu l’imprudence d’emprunter à une entreprise de crédit. Dès les premières images le ton est donné. Sur le capot de leur voiture, en plein paysage désertique, ils essaient de voir sur la carte l’endroit où ils doivent se rendre. La carte qu’ils avaient du mal à lire s’envole. Ils sont déboussolés au sens propre et figuré du terme. Dans des paysages magnifiques filmés en cinémascope, avec des villages troglodytes à flan de falaises, ils arrivent, dans une voiture qui n’en peut plus, en costume cravate, chez de pauvres gens surendettés qui vivent misérablement, auxquels ils enlèvent impitoyablement le peu qu’ils ont, soit un tapis, soit une chèvre, soit une camionnette, qu’ils vendront à leur profit. Le fond est triste mais Faoudi Bensaïdi a le sens du burlesque. C’est une tragicomédie. On n’est pas très loin de Tati mais plus près encore d’Elia Souleiman. On apprendra que nos deux anti-héros sont eux-mêmes exploités par cette entreprise qui les menace de les licencier s’ils n’ont pas un meilleur rendement. Puis le film bascule. Du tragicomique on verse dans une toute autre histoire. Ils ont récupéré dans des circonstances loufoques un prisonnier qu’ils doivent remettre à la police moyennant une somme d’argent promise. On ne voit pas dans quelles circonstances le prisonnier leur échappe et prend leur voiture. On suit alors les pérégrinations de ce soi-disant bandit, qui est un homme de cœur, venu enlever la fiancée qu’il aimait, mariée de force au malfrat du coin. On bascule dans un western romantique où le couple erre dans les massifs rocheux de nos deux hommes qui deviennent deux silhouettes incongrues dans des paysages somptueux.

Un film qui au-delà du burlesque et de la beauté des paysages à couper le souffle, nous dit aussi la misère d’une partie de la population du Maroc qui est contrainte de s’endetter pour survivre, victime d’un capitalisme effréné ; nous dit aussi la domination incontestée d’un patriarcat archaïque. C’est l’arrière-plan triste de ce très bon film.

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