Marx peut attendre

Auteur : Marco Bellocchio, voir la fiche précédente. Marx peut attendre a été présenté hors compétition, en séance spéciale de la section Cannes Première de la sélection officielle en 2021, tandis que le réalisateur recevait une Palme d’or d’honneur. Il n’est pas sorti en salle et sort cette semaine, très mal distribué, en même temps que L’Enlèvement

Résumé : En 1968, Marco Bellocchio est déjà un réalisateur prometteur. Son frère Camillo, âgé de 29 ans, met fin à ses jours. Marco poursuivra sa carrière et deviendra l’un des cinéastes les plus célèbres d’Italie. Pour autant, la blessure ne s’est jamais refermée.  À travers sa famille, il fait revivre l’histoire de son frère, presque comme une enquête, qui reconstitue une époque et tisse le fil rouge de son cinéma.

Analyse : Avec sincérité et courage, car il ne se montre pas toujours à son avantage, Marco Bellocchio revisite un passé familial douloureux, le suicide de son frère jumeau, Camillo, en 1968 à l’âge de 29 ans. Il profite d’un repas familial pour évoquer cette figure douloureuse d’un frère qui n’a jamais pu trouver sa place dans une famille brillante, entre un grand frère, Piergiogio, brillant intellectuel, critique littéraire, figure de l’extrême gauche et premier directeur du journal Lotta continua, Alberto le syndicaliste et l’écrivain, Marco le cinéaste qui commence une brillante carrière, un père anticlérical et une mère confite en bondieuseries. Certes parmi ces huit enfants il y a des ombres. Paolo le schizophrène que la mère veut garder près d’elle, qui terrifie toute la famille et une des sœurs sourde et muette. Les maladresses se sont accumulées envers Camillo. Sa mère l’a fait dormir dans la même chambre que Paolo ; son père, devant ses piètres résultats scolaires, l’a inscrit sans son avis dans une filière technique pour faire le géomètre, ce qui ne lui convenait pas du tout. Il finira par suivre une formation d’enseignant de sport. L’intelligence d’analyse et l’extrême sensibilité, en particulier de ses deux frères Piergogio et Alberto, éclairent les ressorts de ce drame que personne n’a vu venir. Marco en particulier, qui était parti pour Rome, et a négligé de répondre à une lettre de son frère lui demandant de l’aider à trouver une place dans le cinéma. Lors d’un de ses retours en famille, voyant son frère désemparé, il lui a conseillé de s’engager, comme lui, dans la lutte politique. Camillo lui a répondu « Marx può aspettare », ce qui n’a alerté personne. Avec également les enfants et petits-enfants, la sœur de l’amie de Camillo, un prêtre, un psychiatre, qui évoquent chacun à tour de rôle ce drame, Marco Bellochio tente de trouver sinon une réponse, du moins, cinquante ans après, un apaisement devant la figure de ce frère qui le hante.

Un documentaire bouleversant et passionnant, profond et d’une grande finesse dans lequel Bellocchio relie ce drame familial à sa filmographie et, comme souvent, évoque l’histoire de l’Italie qui a accompagné leurs jeunes années. Par ce retour pudique et intelligent sur sa jeunesse, la figure de Marco Bellocchio nous devient plus familière et suscite notre tendresse.

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