Les trois sœurs du Yunnan

Film de Wang Bing (2014)

Wang Bing est un documentariste chinois qui s’est fait connaître par des documentaires sur les laissés pour compte d’une croissance économique sauvage, et on est pas loin de penser à Jia Zhangke, notamment dans son dernier film « A touch of sin ». Mais le documentaire qui le rend célèbre est en 2003, « A l’ouest des rails », d’une durée de plus de 9 heures sur la fermeture des usines et la situation des milliers d’ouvriers démunis et sans ressources.

Dans les trois sœurs du Yunnan, 148 mn seulement ( !), c’est également la situation d’une famille de paysans dans les montagnes du Yunnan, à 4000 m. d’altitude. Plus exactement la situation de trois sœurs livrées à elle même, dont la m ère est définitivement partie et le père parti allé vendre sa force de travail à la ville. L’ainée, Yingying, a 10 ans, la cadette, Zhenzhen, 6 ans et la plus petite, Fenfen 4 ans. La vie quotidienne dans ces montagnes noyées de brume, dans une masure à moitié délabrée, avec un âtre au milieu de la pièce, à côté des cochons, des oies, des poules n’est pas loin de celle qu’avaient les paysans au Moyen âge, si ce n’est la présence d’une ampoule électrique, d’un robinet d’eau courante dans la cour et d’une télévision dans la maison de la tante. Les enfants sont sales, leurs vêtements grossièrement rapiécés, leurs chaussures trouées et ils doivent souvent s’épouiller pour se débarrasser des poux qu’ils ont dans leurs cheveux et leurs vêtements. L’ainée qui a le regard de ces enfants trop tôt confrontés à la vie, et qu’on ne voit jamais sourire, est remarquable. C’est elle qui s’occupe de toutes les tâches ménagères, et des corvées du monde rural. Elle lutte constamment dans la poussière, la boue, le brouillard et le froid. Et elle arrive même à aller à l’école, contrairement aux deux autres.

Les images sont d’une grande beauté, non pas d’une beauté reconstituée mais Wang Bing filme simplement la nature, somptueuse, telle qu’elle est, et la vie, qu’il laisse couler à l’écran comme il le dit lui-même. C’est l’humain qui fait la somptuosité des plans. La caméra se fait d’ailleurs très discrète et tout le monde fini par l’oublier, sauf lorsque le caméraman suit Ying dans la montagne et qu’on l‘entend respirer. Un film à voir absolument !

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