A MOST VIOLENT YEAR

AMVY_120_WEB.inddAuteur : J.C. Chandor est un scénariste et réalisateur américain de 42 ans. Après avoir passé plus de 15 ans à tourner des spots publicitaires il tourne son premier long métrage en 2011 Margin Call qui se déroule dans les coulisses de Wall Street, puis All is lost présenté à Cannes en 2013 dans lequel, deux heures durant, Robert RedFord se débat contre une mer déchainée dans un voilier à la dérive.

Résumé : Abel Morales, jeune self made man, superbement incarné par Oscar Issac qu’on avait remarqué dans Inside Llewyn Davis des frères Cohen, a une entreprise de stockage et de vente de fuel, héritée de son beau-père, qu’il veut faire grandir, sans utiliser des procédés mafieux, comme son prédécesseur, mais honnêtement. Quelle gageure ! Soudain on attaque ses chauffeurs, on lui vole ses camions chargés de fuel, les concurrents sapent sa clientèle, les banques commencent à le lâcher, le FBI ouvre une enquête contre lui.

Analyse : Nous sommes en 1981. C’est une des années les plus terribles à New York en matière de criminalité. L’entreprise de Abel Morales n’est pas épargnée. C’est dans cette atmosphère angoissante où rôde la violence, la corruption, la menace de la faillite et la menace tout court, où coule le sang, que notre héros se débat en essayant de comprendre d’où viennent les coups, et surtout en tentant de rester honnête, en voulant respecter la loi : par exemple il refuse d’armer ses chauffeurs, contre l’avis de ses proches et des membres du syndicat. Il se bat contre tous et même contre sa femme (incarnée par la superbe Jessica Chastain), beaucoup moins bridée par la morale que lui. Ce qui a fait dire à certains critiques qu’on se trouvait devant un polar à l’envers.

On est complètement pris dans cette histoire noire et dense qui ne tombe jamais ni dans le conte moral ni dans le manichéisme. Le décors de docks poisseux dans la banlieue de New York, au bord du fleuve, avec la noria des camions, la ville et ses gratte-ciels en toile de fond avec des ciels plombés et tourmentés, donnent au film une atmosphère très particulière. Le scénario est dense, concentré, précis ; il est porté par une mise en scène rigoureuse et un montage méticuleux mais qui à aucun moment n’oppresse le spectateur qui ne subit aucune pression insupportable. Je dirais que le stress est mesuré car dans cette noirceur ambiante Chandor laisse respirer le spectateur. Incontestablement il a le sens du suspense et excelle à dévoiler en quelques traits la psychologie des personnages qu’il veut mettre en scène. Par exemple on n’imagine pas quel autre manteau pourrait porter Abel que ce manteau immaculé en poil de chameau beige qu’il porte très élégamment tout au long du film et qui colle parfaitement avec sa personnalité ; et ce n’est pas un détail. L’ensemble de ces éléments font un excellent film qu’on a plaisir à voir.

Malgré une fin qui soulage un peu, on ne sort pas pour autant rasséréné et apaisé. Une fois encore Chandor nous montre comment la machine économique, telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, et spécialement aux États Unis, laisse peu de chance aux individus qu’elle peut transformer et broyer.

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