L’ombre des femmes

Film de Philippe Garrel, 2015

 

Encore une ode à la femme dans ce magnifique film de Philippe Garrel, concis (il dure 1 h 13 mn) et taillé comme un diamant, diamant noir et blanc avec une atmosphère qui n’est pas sans rappeler les films de la nouvelle vague, chère au réalisateur. Ce n’est pas un hasard si le directeur de la photographie est Renato Berta qui a travaillé avec Resnais, Chabrol et Louis Malle et qui éclaire ici le film d’un superbe noir et blanc. Pierre et Manon vivent ensemble et sont très amoureux. Ils vivent de petits boulots et font un documentaire ensemble. Mais leur amour s’essouffle dans le quotidien. Pierre rencontre une jeune stagiaire, Elisabeth, qui devient sa maîtresse. Mais il ne veut pas quitter Manon. Un jour Elisabeth découvre que Manon a un amant. Se sentant mal aimée par Pierre elle décide de lui dire la vérité. Pierre est abasourdi. Il trompe certes Manon, mais être trompé ! Il en en est bouleversé en bon machiste qu’il est. Ils se quittent pour se retrouver.

Je t’aime, je te trompe, tu me trompes, on se retrouve, voilà un thème d’une extraordinaire banalité. Et pourtant, Garrel nous offre ici un film dépouillé, percutant, d’une extraordinaire beauté, où en peu de temps il parcourt tout l’éventail des sentiments amoureux : l’amour, le désamour, la trahison, la duplicité, la sensualité, la joie, les larmes, la souffrance, la jalousie. « La jalousie », c’est le titre de son dernier film. Déjà dans ce film c’était les relations homme-femme mais vues du point de vue d’un homme. Cette fois c’est du côté des femmes qu’il se place. Et on est pas déçus : elles sont fines, intelligentes, moralement rigoureuses, et courageuses surtout. Car chez les femmes en général le courage est une vertu ordinaire. Et Clotilde Courau, toute en nuance et intelligence porte magnifiquement son rôle. Tandis qu’à ses côtés, Pierre, veule, égoïste, prenant son plaisir mais n’en donnant que peu, et lâche surtout. Je serai tentée de dire, si je n’avais peur de m’aliéner l’autre moitié de l’humanité, la lâcheté, cet éternel masculin. Rôle ingrat superbement interprété par le trop rare Stanislas Merhar.

Le film est ponctué par une voix off, celle de Louis Garrel, neutre et distante, qui commente les pensées de Pierre et fait le point de leurs relations, et qui n’est pas sans rappeler celle du Jules et Jim de François Truffaut. Quant au décor, il est minimaliste. Souvent une chambre, quelques rues de Paris, intemporelles, derrière les Grands Boulevards et un métro déserté de ses passants.

Si chez les frères Taviani (dans Contes italiens, voir notre commentaire) la morale était que l’amour est plus fort que la mort, ici la morale, car il y en a une, est que l’amour peut être plus fort que la trahison.

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