LES SUFFRAGETTES

Auteur : Après des études de cinéma Sarah Gavron (45ans) travaille pendant trois ans à la BBC. Elle commence sa carrière de cinéaste par des documentaires. Son premier long métrage est l’adaptation d’un roman, Brick Lane, 2007. Puis en 2013 Village at the end of the world avant Les Suffragettes.

Résumé : Dans le Londres de 1912 une poignée de femmes se bat pour obtenir le droit de vote qui leur permettra de sortir d’une condition de soumission totale sans aucun droit. Maud Watts travaille depuis l’âge de 7 ans dans une blanchisserie. Elle est mariée et mère d’un petit garçon. Elle est enrôlée, un peu malgré elle au début, puis volontairement après avoir subi les brimades de son mari et de son employeur, dans ce mouvement qui est passé, dans ces années, à une phase violente faute de ne pouvoir se faire entendre autrement. C’est cette lutte que nous conte le film, à cheval entre la fiction et la reconstitution historique.

Analyse : « Suffragettes », ce mot utilisé par certains – et même certaines ! – au mieux avec ironie, au pire avec mépris ou comme insulte, est attribué à des femmes qui défendent leurs droits et ne renoncent jamais à l’idée que, même si elles sont différentes de l’homme, elles sont des êtres humains à part entière et doivent bénéficier des mêmes droits (et être soumises aux mêmes devoirs) que les hommes. C’est ce thème qu’a traité, à travers l’histoire du droit de vote des femmes en Angleterre, la réalisatrice Sarah Gavron. C’est la première représentation sérieuse de ces évènements au cinéma. Et il fallait bien une sensibilité féminine pour rendre cet hommage chaleureux et vibrant à ces pionnières qui doivent rester un exemple pour nous, femmes du XXIème siècle, tant il est vrai que dans ce domaine rien n’est jamais acquis.

C’est à travers l’histoire fictive d’une ouvrière du textile, Maud, magnifiquement interprétée par Carey Mulligan, dans le Londres d’avant-guerre (1912) que la réalisatrice nous fait revivre la lutte de ces femmes qui avec courage et détermination ont bravé les critiques cinglantes de leurs proches, de leurs voisins, et les réprimandes de leurs maris, qui ont perdu leurs enfants, leur vie personnelle et risqué de perdre leur vie tout court pour sortir d’une situation où les droits élémentaires de l’être humain leur étaient niés, d’une situation de soumission totale à leur mari, c’est lui qui décide de tout y compris pour les enfants, et de soumission à leur employeur, qui exerce son droit de cuissage à volonté. Elles sont moins payées que les hommes (c’est aujourd’hui encore le cas !) et travaillent plus longtemps. Le droit de vote leur semble être le moyen qui leur permettra de défendre leurs revendications pour changer ces conditions de vie, et devient aux yeux de cette poignée que l’Etat qualifiait d’anarchistes et la société de folles, une question vitale.

Avec beaucoup d’habilité le scénario mêle l’Histoire et la fiction. Maud est un concentré de l’histoire de plusieurs suffragettes. Mais l’appui historique a existé. Le mouvement Women’s social and political union a été créé en 1903 par une grande bourgeoise, Emmeline Pankhurst, qui fait son apparition dans le film sous les traits beaux et émouvants de Meryl Streep. Le film se situe dans ces années 1912 lorsque, lasses de demander pacifiquement un changement de leur état, elles passent à la violence, faisant sauter des boites aux lettres et des connexions électriques, allant jusqu’à poser des bombes dans la maison en construction d’un homme politique. Ce sont des actes de guerre. Jusqu’à ce que l’une d’elles se jette sous les sabots du cheval du roi lors du Derby d’Epson. L’enterrement est suivi par des centaines de femmes en blanc et la presse nationale et internationale s’intéresse enfin à leur combat sans que l’Etat ne puisse plus occulter leurs revendications comme il le faisait jusqu’alors. Elles obtiendront ce droit de vote en 1918 pour les plus de 30 ans et comme les hommes en 1928. Les françaises ont dû attendre 1944.

Certes le film est de facture assez classique, mais ce n’est ni au détriment de l’émotion, ni au détriment de la qualité de la reconstitution et de la mise en scène, avec une grande beauté des images, que ce soit celles des ruelles de Londres et de leur lueur diaphane ou de la blanchisserie avec son atmosphère bleutée et étouffante. Cette galerie de portraits évite de tomber dans le manichéisme. Une belle figure que celle du mari de la pharmacienne, artificière du groupe, ou même de l’inspecteur de police, qui fait certes son travail mais dont on perçoit subtilement la sympathie qu’il a finalement pour ces femmes de grand courage.

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