SEULE LA TERRE

Auteur : Francis Lee né en 1970 dans le Yorskhire occidental dans une famille d’agriculteurs, est un réalisateur, acteur et scénariste anglais. Après ses études secondaires il se spécialise dans le théâtre. Il fait ses débuts d’acteur à la télévision dans la série Peak Pratice en 1994. En 1999, il joue dans Topsy-Turvy, obtenant son premier rôle au cinéma. Son premier court-métrage The Farmer’s Wife obtient au festival international du film de Leeds de 2012 le prix Best Yorkshire Film. Il réalise ensuite plusieurs courts-métrages, puis son premier long métrage en 2017 Seule la terre qui le fait connaître du grand public. Il a écrit également le scénario du film qui est présenté au festival du film de Sundance 2017 où il obtient le prix de la meilleure réalisation. Il est également présenté à la section Panorama de la Berlinale de 2017 où il obtient un Teddy Award. En France, Seule la terre remporte le Hitchcock d’or au Festival du film britannique de Dinard 2017.

Résumé : Johnny travaille du matin au soir dans la ferme familiale, perdue dans le brouillard du Yorkshire. Il essaie d’oublier la frustration de son quotidien en se saoulant toutes les nuits au pub du village. Quand un saisonnier roumain vient travailler pour quelques semaines dans la ferme, Johnny est traversé par des émotions qu’il n’avait jamais ressenties. Une relation naît entre les deux hommes, qui pourrait changer l’avenir.

Analyse : Encore un film sur l’homosexualité penserez vous en lisant le synopsis. Vous auriez tort car Seule la terre est bien plus que cela. C’est un film sensible, intelligent sur le parcours psychologique et sentimental de la vie d’un paysan ; vie rude, âpre, des hommes et des bêtes dans des paysages somptueux, rocailleux, battus par la pluie, nappés de brouillard, hostiles et mortels d’ennui qui nous aident à comprendre la solitude physique, morale, affective de ceux qui consacrent leur vie à soigner et élever du bétail dans cet univers. Les tâches quotidiennes harassantes, souvent répétitives et chronophages de ces paysans ne sont pas sans rappeler Petit paysan d’Hubert Charuel (voir ma fiche sur ce film). Le temps est uniquement rythmé par la vie des animaux, et les travaux de la ferme. Aucune minute pour soi-même. Seule la terre compte. Rien d’étonnant à ce que Johnny, célibataire vivant entre son père à moitié infirme et sa grand mère lucide et sans concession, soit un être rustre, taiseux, grave et n’ait d’autre échappatoire que le pub du village voisin le soir, les amours furtives dans les toilettes avec des hommes et la fuite dans l’alcool. Le jeu de Josh O’Connor est parfait de justesse en jeune homme taciturne, abruti, que rien ne fait sourire, presque laid (il a obtenu le prix d’interprétation masculine au Festival international du film de Saint-Jean-de-Luz). L’arrivée de Gheorghe, un saisonnier roumain fort et bien dans sa peau, va bouleverser la tristesse et la monotonie de la vie de Johnny et progressivement le sourire apparaitra sur son visage. Cette histoire d’amour dans un milieu plutôt conservateur est traitée sans clichés et fausse pudeur. Elle démarre avec furia et violence et se transforme progressivement en une relation délicate et amoureuse. Mais il n’y a pas que cela. Les préoccupations de ces paysans face à une agriculture qui change, qui s’industrialise et qui signe la mort de ces petites exploitations traditionnelles émergent du quotidien.

Francis Lee, comme Hubert Charuel, a vécu dans la ferme familiale, connaît parfaitement le monde agricole. Son film contient donc une part d’autobiographie et d’authenticité. Les errances de Johnny ont sans doute été les siennes. Par sa mise en scène nerveuse et efficace, une bande son qui reproduit tous les bruits et les souffles de la campagne, son travail sur les images d’une grande beauté, il nous fait pénétrer au cœur de son monde et nous offre une lumineuse et sensible chronique paysanne. « Je voulais que la caméra soit toujours installée entre les personnages, pour qu’ils ne puissent jamais se soustraire à notre regard. Les mouvements de caméra devaient refléter non seulement les paysages, mais aussi l’état émotionnel des protagonistes », a déclaré le réalisateur. Ce premier long métrage a grandement mérité les récompenses qu’il a récoltées dans les festivals internationaux.

 

 

 

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