GREEN BOOK : SUR LES ROUTES DU SUD

Auteur : Peter Farrelly est un réalisateur américain né en 1956. Il a toujours travaillé avec son frère Bobby Farelly, son cadet de deux ans. Ils commencent leur carrière en 1990 en devenant scénaristes de séries télévisées. En 1994 ils écrivent et réalisent leur premier film, Dumb and Dumber, qui devient culte. Ils récidivent en 1998 avec Mary à tout prix, leur plus grand succès public. L’année suivante ils réalisent Fous d’Irène (1999). Ils continuent les comédies originales avec L’Amour extra-large (2001), ou encore Deux en un(2003). En 2014, ils réalisent Dumb and Dumber De, suite de leur premier film. En 2018 Peter réalise en solo Green Book. Ce film a obtenu de multiples récompenses, en particulier Mahershala Ali, récompensé plusieurs fois par le prix du meilleur second rôle, notamment aux Golden Globes 2019. Il a obtenu le prix du meilleur scénario toujours aux Golden Globes 20129. Il est en course pour les Oscars

Résumé : En 1962, alors que règne la ségrégation, Tony Lip, un videur italo-américain du Bronx, est engagé pour conduire et protéger le Dr Don Shirley, un pianiste noir de renommée mondiale, lors d’une tournée de concerts. Durant leur périple de Manhattan jusqu’au Sud profond, ils s’appuient sur le Green Book (titre exact : Negro Motorist Green Book), sorte de guide de voyage pour les gens de couleur, pour dénicher les établissements accueillant les personnes de couleur, où l’on ne refusera pas de servir Shirley et où il ne sera ni humilié ni maltraité.

Analyse : Vu le sujet ce film aurait pu être bourré de poncifs, mièvre, banal, évident, lénifiant ; mais il n’est rien de tout cela grâce au talent et à l’expérience de Peter Farrelly, grâce aussi au magnifique duo d’acteurs formé par Vigo Mortensen et Mahershala Ali ce dernier déjà vu dans Moonlight (voir la fiche). Green Book est un film sensible, délicat, alternant drôlerie, émotion et humanité, dénonçant certes l’ignoble ségrégation de ces années 60 aux États-Unis, avec en écho la politique actuelle de Donald Trump, mais nous racontant également l’histoire de la naissance d’une belle et improbable amitié. A partir d’une histoire vraie, ce qui généralement cache mal le manque d’imagination de certains réalisateurs, Farrelly, pour la première fois en solo, sans son frère Bobby, a construit un road movie qui au fil des kilomètres dévoile ce qu’un être peut apporter à un autre, au-delà des préjugés, des différences de culture et de classe sociale. Le rapport de domination est inversé ; et c’est là tout l’intérêt du film. Le patron, celui qui se fait conduire, qui donne des ordres, qui paye, est noir, tandis que le chauffeur est blanc, image peu banale dans l’Amérique de cette époque. Et l’inversion va plus loin encore car si Don Shirley est noir, il ne correspond pas du tout à l’image du noir que se fait le blanc moyen. Il est mince, élégant, à la limite du dandysme, raffiné, cultivé, plein de distinction et de réserve, un peu précieux, n’a jamais mangé du poulet frit avec ses doigts ; c’est un pianiste virtuose qui joue aussi bien du classique que du jazz afro-américain. Face à lui Tony Lip, grassouillet, avec son allure de videur de boite de nuit, au langage châtié et vulgaire, un peu beauf et raciste comme les gens de son milieu. Mais ce n’est pas un mauvais bougre. On le sent profondément choqué par l’accueil que fait la grande bourgeoisie du Sud à Don Shirley, qu’ils veulent bien écouter mais auquel ils refusent leur restaurant et leurs toilettes. Avec simplicité mais une grande subtilité le réalisateur nous montre comment la confrontation de ces deux cultures, de ces deux mondes, va donner à chacun l’occasion non pas de changer, mais de s’ouvrir à l’autre, de s’humaniser et prendre ce que l’autre a de meilleur à lui offrir. La souffrance et la grande solitude dans laquelle se trouve Don Shirley est pathétique (Pas assez blanc, pas assez noir, pas assez homme, dira-t-il à Tony). S’il choisit de faire une tournée dans le Sud, tellement ségrégationniste, ce n’est pas une marque de courage, mais la marque de sa profonde dignité. De plus il appartient à une minorité sexuelle, très mal acceptée dans son milieu et à l’époque. Son homosexualité est d’ailleurs évoquée sans lourdeur dans le film. Elle est surtout l’occasion de constater combien Tony a fait de grands pas vers son « ami », ne manifestant à aucun moment un jugement moral mais essayant de le tirer, sans états d’âme, par des moyens peu légaux, de ce mauvais pas.

Ode à la tolérance ce film porte également un message d’espoir. Il nous montre que le racisme ordinaire peut être dépassé par la culture, le cœur et l’humanité.

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