LA CHUTE DE L’EMPIRE AMÉRICAIN

Auteur : Denys Arcand est né en 1941 dans la province du Québec. Après des études en histoire, il entre à l’O.N.F. (Office Nationale du Film) pour lequel il tourne de nombreux courts métrages documentaires. Dans On est au coton (1970), il analyse à travers l’industrie textile québecquoise les rapports nationaux internes entre francophones et anglophones. Ce film est tellement dérangeant que l’O.N.F., le censure. Après un nouveau documentaire polémique sur l’histoire récente du Québec (Québec : Duplessis et après … 1972), il tourne successivement trois films de fiction avant de prendre quelque dix années sabbatiques durant lesquelles il travaille surtout pour la télévision. Il revient au cinéma avec Le Crime d’Ovide Plouffe (1984) et surtout Le Déclin de l’Empire américain (1986), qui fera sa renommée internationale. Suivront, entre autres, Jesus de Montréal (1988), De L’amour et des restes humains (1993) et Stardom(2000). En 2003, son film Les Invasions barbares emporte le Prix du Meilleur scénario au Festival de Cannes et rapporte à Marie-Josée Croze le Prix d’interprétation féminine. En 2007, L’Age des ténébres, une comédie satirique est présentée en clôture du 60e Festival de Cannes.

Résumé : À 36 ans, malgré un doctorat en philosophie, Pierre-Paul Daoust est chauffeur pour une compagnie de livraison. Un jour, il est témoin d’un hold-up qui tourne mal, faisant deux morts parmi les gangsters. Il se retrouve seul avec deux énormes sacs de sport bourrés de billets. Des millions de dollars. Le pouvoir irrésistible de l’argent va bousculer ses valeurs altruistes et mettre sur sa route une call girl envoûtante, un ex-taulard perspicace et un avocat d’affaires roublard.

Analyse : Pour le troisième volet de sa trilogie (Le Déclin de l’Empire américain et Les invasions barbares), après le sexe et la mort, Denys Arcand s’attaque à la finance, à l’argent qui obsède, qui pourrit tout, sur le ton d’une comédie, d’un polar haletant, d’un drame social et d’une satire politique. Avec sa lucidité habituelle, il nous montre comment des sommes considérables, en passant d’un pays à un autre, peuvent être blanchies en toute discrétion, avec la complicité d’hommes d’affaires et d’avocats compétents et véreux. Ce faisant il nous parle de l’état de notre monde actuel dans lequel seules les valeurs financières ont de l’attrait. Les intellectuels, donc la culture et la pensée, sont relégués au second plan. Malgré son doctorat en philosophie Pierre-Paul (Alexandre Landry) se retrouve chauffeur livreur. « L’intelligence est un handicap …Les vrais gens intelligents ne passent pas à la télé, et ne votent pas Trump » dira-t-il. Avec un petit coup de griffe à la philosophie qui ne sert pas à grand-chose (Sartre n’a-t-il pas défendu Pol Pot, et Althusser étranglé sa femme ?). Avec sa verve et son ironie habituelles Arcand donne à ses personnages des répliques mordantes et souvent brillantes. Lorsque le pouvoir de l’argent s’abat littéralement sur lui, Pierre-Paul perd de sa rigidité et de ses principes. Il n’a pas hésité à s’emparer du butin volé au lieu de le rendre à son propriétaire. Il peut alors se payer les services d’une ravissante call girl, Aspasie du nom de la prostituée et amie de Socrate, et de belles sorties car l’argent donne luxe et séduction. Ce film peu moral, de facture classique, est agréable à regarder. Arcand préfère que son héros échappe finalement à la bêtise du fric et nous offre une belle fin, optimiste. Trop belle pour être vraie !

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