Auteur : Membre de l’Académie des arts et des sciences du cinéma qui remet les Oscars du cinéma chaque année, Mohamed Siam est réalisateur, producteur et chef-opérateur égyptien, résidant en France. Il est l’auteur de quatre films qui ont été sélectionnés dans de nombreux festivals à travers le monde et couronnés de prix prestigieux. Traces(2017) sur le Liban d’après la guerre. Force majeure (2016) qui a reçu le Prix spécial CNCI de l’image « Ali Ben Abdallah » aux JCC 2017, Tunis. Derniers jours de la ville (2015). Son dernier film Amal (2018) a eu le Tanit d’Or du Documentaire aux JCC 2018, Tunis. Siam est régulièrement invité en tant que jury dans de nombreux festivals de premier plan. Il est conférencier à la New School et au Brooklyn College de New York. Il est également chercheur et réalisateur en résidence à l’université Américaine de Paris.
Résumé : Documentaire. Amal est une adolescente que le réalisateur a filmé au moment de la révolution égyptienne a laquelle elle a participé, jusqu’à son âge adulte.
Analyse : Le réalisateur, Mohamed Siam, a filmé Amal pendant 6 ans. Ce genre de film avait déjà été réalisé par Richard Linklater qui pendant 12 ans, dans Boyhood, a réuni les mêmes comédiens pour un film unique sur la famille et le temps qui passe. A la différence qu’il s’agit ici non d’une fiction mais d’un documentaire. Quand la révolution égyptienne éclate en 2011 Amal a 14 ans. C’est une petite fille d’une étonnante maturité, frondeuse, qui s’engage aux côtés des manifestants, qui veut faire comme les garçons car elle ne voit pas pourquoi il y aurait une différence, et pourquoi elle ne pourrait pas, elle aussi, boire, fumer, manifester. Elle se fait d’ailleurs maltraiter par la police qui la traine sur plusieurs mètres par les cheveux tandis qu’elle est à terre. Ce qui la confortera dans son engagement et lui fera dire « J’ai coupé les cheveux courts parce que la police me les a arrachés », et elle portera une capuche, s’habillera comme un garçon pour se fondre davantage dans la foule. Un vrai garçon manqué, diraient certains ; je préfère dire une fille réussie. Son courage et sa liberté d’esprit sont sidérants. Elle n’hésite pas à crier à la face d’un policier « tu es un voyou ! ». Elle refuse de porter le voile car dit-elle « j’ai essayé le voile, mais je trouve qu’il me restreint ». Ce documentaire magnifique, rageur et bouleversant, est entrecoupé des extraits de vidéos de famille, filmées par son père avec amour, où l’on voit, notamment à ses anniversaires, une petite fille charmante, rieuse, espiègle et pleine de vie. On apprendra au cours du film que Amal porte en elle une blessure profonde : la disparition prématurée de ce père tant aimé, qui était dans la police. Se pose alors en arrière-plan la question des motivations personnelles des révoltés de la rue. Aurait-elle eu cette même fougue si elle n’avait pas connu ce traumatisme ? D’autant que son petit ami de l’époque a été tué lors des émeutes du stade de Port Saïd. A l’image de son pays, elle se cherche. Puis le temps passe, elle prépare ses examens et est amoureuse d’un jeune homme assez traditionnaliste, qui ne veut pas qu’elle assiste à un match de football malgré son envie. Et cette jeune fille qui rêvait de tout renverser, s’assagit, porte le voile, et envisage … d’entrer dans la police, comme son père sans doute. On découvre alors que ce documentaire est l’histoire d’une révolte et d’une désillusion pour elle sans doute, pour nous sûrement.