Le Lac aux oies sauvages

Auteur : Diao Yinan est un réalisateur et scénariste chinois né en 1969Il réalise en 2003 son premier long métrage, Uniforme (en), qui remporte des prix aux festivals du film de Vancouver et de Rotterdam (prix Amnesty International), en 2007 Train de nuit,  qui est présenté au festival de Cannes dans la section Un certain regard. Son troisième film Black Coal remporte l’Ours d’or de la Berlinale 2014 et un prix d’interprétation pour Liao Fan. Le Lac aux oies sauvages, son 4ème long métrage, a été sélectionné à Cannes en 2019. Ce réalisateur se caractérise par ses films noirs dans une Chine contemporaine, et ses magnifiques mises en scène. Son dernier film aurait mérité le prix de la mise en scène.

Résumé : Une prostituée (« une baigneuse ») dont on doute parfois de la sincérité, un chef de gang poursuivi par une bande rivale et la police, forment la trame du film. Une très grosse récompense est promise par la police. Avec la complicité de la prostituée le fugitif est prêt à se sacrifier pour que cet argent revienne à sa femme et à son fils.

Analyse : Si le cinéma de Diao Yinan se caractérise par des films noirs, on peut dire que ce dernier est encore plus noir que ses précédents. Il nous entraine dans les bas-fonds des bas-fonds de la Chine contemporaine, dans des atmosphères glauques baignées d’une lumière au néon jaunâtre et poisseuse, filmées essentiellement la nuit et sous la pluie. On y côtoie les malfrats, les gangs qui se font la guerre et mettent la ville en coupe réglée, les prostituées asservies et humiliées victimes de chefs de bande, la drogue, des policiers en civil dont les méthodes n’ont rien à envier à ceux qu’ils pourchassent, le tout dans une atmosphère de violence inouïe, où les coups de feu crépitent, où les bastonnades et les coups se donnent autant qu’ils se reçoivent. Ainsi présenté on pourrait comprendre que le film rebute par son excès de violence. Mais il ne saurait se résumer à cela. C’est un film d’une très grande maestria cinématographique, un film magnifique, d’une richesse et d’une inventivité époustouflantes ; des scènes de poursuites démentes, une chorégraphie de phares de voitures qui trouent la nuit d’une colline, une nuée de scooters qui zèbrent la nuit comme un essaim de frelons, des danseurs aux semelles à chaussures fluorescentes qui dansent au son de Raspoutine de Boney M. et se répandent en bataille rangée, un parapluie qui transperce une victime et s’ouvre sur une giclée de sang, l’irruption surréaliste de la police dans un zoo au milieu des flamands, des panthères et des éléphants, forment des images sublimes d’une beauté formelle à couper le souffle (mention spéciale au directeur de la photographie Jingsong Dong). Des cadrages astucieux et habiles qui savent capter cette violence omniprésente, une idée à chaque plan, un montage nerveux, une mise en scène élégante et virtuose, des flashbacks particulièrement bien agencés, donnent à ce film un rythme dément et éblouissant.

Une fois de plus Diao Yinan nous immerge dans ce quart-monde de la Chine actuelle évincé de l’industrialisation à marche forcée du pays, qui vit de larcins et de trafics en tout genre, très loin de l’image policée que voudraient en donner ses dirigeants. Il se termine toutefois sur une note d’espoir, la solidarité entre les femmes, cette sororité qui semble montrer l’avenir. 

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