Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait

Auteur : Emmanuel Mouret, né en 1970, est un réalisateur, scénariste et acteur français. Il est diplômé de la FEMIS (département réalisation 1988). Il réalise une série courts métrages, ainsi qu’un moyen métrage, Promène-toi donc tout nu ! son film de fin d’études, qui bénéficie d’une sortie en salles en 1999. Il joue souvent le rôle principal de ses films, un jeune homme candide et maladroit. Ses films parlent d’amour. Laissons Lucie faire (2000), puis quatre ans plus tard, Vénus et Fleur, une comédie nonchalante présentée à Cannes dans la cadre de la Quinzaine des Réalisateurs. Également sélectionné à la Quinzaine, Changement d’adresse (2006). Puis Un baiser s’il vous plaît (2007), présenté dans une section parallèle de la Mostra de Venise, et Fais-moi plaisir (2009). Il réalise en 2011 L’Art d’aimer. Suivent Caprice (2015), et Mademoiselle de Joncquières (2018). Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait était en Sélection officielle au festival de Cannes 2020, qui, on le sait, n’a pas eu lieu.

Interprètes : Camélia Jordana (Daphné), Niels Schneider (Maxime), Vincent Macaigne (François), Emilie Dequenne (Louise), Jenna Thiam (Sandra), Guillaume Gouix (Gaspard)

Résumé : Daphné, enceinte de trois mois, est en vacances à la campagne avec son compagnon François. Il doit s’absenter pour son travail et elle se retrouve seule pour accueillir Maxime, son cousin qu’elle n’avait jamais rencontré. Pendant quatre jours, tandis qu’ils attendent le retour de François, Daphné et Maxime font petit à petit connaissance et se confient des récits de plus en plus intimes sur leurs histoires d’amour présentes et passées…

Analyse :  Le dernier film d’Emmanuel Mouret est un enchantement. Un chassé-croisé amoureux, un marivaudage subtil, raffiné, plein de grâce, de finesse et surtout d’intelligence. On a dit dans le passé que Mouret faisait du Rohmer, on le rapproche de Woody Allen, de Truffaut. Dans ce film, incontestablement le meilleur de sa filmographie, on peut dire que Mouret est désormais lui-même, avec sa propre singularité, et qu’il s’est hissé au niveau de ses maîtres. Mouret est un bel intellectuel, admirateur des auteurs du XVIIIe siècle, de Diderot à Marivaux. Il aime la langue, le langage et fait parler ses interprètes comme on parle trop peu souvent de nos jours, des phrases bien tournées, à la grammaire impeccable, qui pour autant ne manquent pas de naturel. La relation amoureuse est son thème de prédilection. L’amour, le désir auquel tous les protagonistes ont tant de mal à résister, même s’ils affirment des principes qu’ils ne suivront pas, chahutés qu’ils sont par des sentiments qui les submergent. Les couples de cette histoire se font, se défont, se croisent ou se reforment dans une valse qui pourrait paraître complexe mais qui est d’une grande fluidité et d’une grande clarté car le cinéaste nous conduit avec finesse dans cette carte du tendre. L’originalité de sa mise en scène tient au fait que c’est l’histoire d’histoires racontées (en « discours rapporté ») par un homme et une femme qui doivent cohabiter et qui s’apprivoisent en racontant leur passé amoureux. D’où un scénario gigogne où passé et présent s’entremêlent avec une série de flash-back qui accompagne les confidences. Chaque histoire, d’amour, de rupture, de mensonge, de trahison, de retrouvailles nous est contée avec un art consommé de la narration. Des histoires sans morale où on trahit, on manipule, on ruse, mais sans violence et en essayant de faire le moins de mal possible. Le mensonge est un hommage à la vertu. Une douce inconstance qui ne peut éviter la cruauté. Un moment émouvant et magnifique où le réalisateur nous donne un exemple d’amour vrai et d’une profonde générosité quand la femme de François qui comprend qu’il est amoureux par ailleurs décide, pour le mettre à l’aise, de lui dire qu’elle le quitte car elle a rencontré quelqu’un d’autre.  

Dans une mise en scène ample, élégante, épurée, qui privilégie les longs plans séquences des nombreuses conversations, Emmanuel Mouret nous offre, avec la complicité de son fidèle chef opérateur Laurent Desmet, de magnifiques décors dans une très belle lumière, en particulier ceux des paysages du Luberon, avec sa somptueuse nature, ses vieux villages, son pont romain. Pour parfaire sa touche romantique, il a utilisé exclusivement la musique classique, Chopin, Mozart, Debussy, jusqu’à la scène finale accompagnée des notes de musique d’Erik Satie. Un film raffiné, brillant, profond et qui ne manque pas d’humour.

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