Nomadland

Autrice : Chloé Zhao, née en 1982, est une réalisatrice, scénariste, productrice chinoise. Elle grandit à Pékin, puis s’envole, une fois son diplôme de second cycle en poche, pour les États-Unis où elle étudie les sciences politiques et la production cinématographique. Lorsqu’elle termine son cursus, elle réalise quatre courts métrages : Post, The Atlas Mountains, Daughters et Benachin. En 2015, Chloé Zhao met en scène son premier long métrage, Les Chansons que mes frères m’ont apprises, une étude sociologique au sein de la vie d’Amérindiens dans une réserve. Le film est présenté au Festival de Sundance, à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, et obtient un succès critique. Elle poursuit en 2017 avec The Rider, dans lequel elle suit une star du rodéo grièvement blessée, Grand Prix au festival américain de Deauville et Prix de la quinzaine des réalisateurs à Cannes. Elle reste dans son sujet de prédilection, l’Amérique profonde, avec Nomadland qui a obtenu le Lion d’or à la Mostra de Venise 2020, 2 Golden Globes 2021 (Meilleur film, Meilleure réalisatrice), 4 prix aux BAFTA Awards 2021 (Meilleure actrice, Meilleure photographie, Meilleur film, Meilleure réalisatrice) et 3 Oscars (Meilleur film, Meilleure réalisatrice, Meilleure actrice). Elle prépare Eternals avec Marvel/Disney.
Interprètes : Frances McDormand (Fern) ; David Strathairn (Dave) et les nomades dans leur rôle : Gay de Forest, Linda May, Charlène Swankie, Patricia Grier, Angela Reyes et Carl R. Hughes.
Résumé : Après l’effondrement économique de la cité ouvrière du Nevada où elle vivait, une sexagénaire Fern, décide de prendre la route à bord de son van aménagé et d’adopter une vie de nomade à travers l’Ouest américain. De vrais nomades incarnent les camarades et mentors de Fern. 

Analyse : C’est un film entre documentaire et fiction, un road movie au sein de l’Amérique profonde avec des nomades. Qui sont ces nomades ? les oubliés de l’Amérique, victimes des différentes crises économiques – fermetures d’usines, et financières – subprimes. Ils sont déclassés, n’ont plus de maison ; leur seul bien est un van ou un mobil home avec lequel ils vont de petits boulots en petits boulots sous-payés, d’un État à un autre, exploités, avec – ou pas – une retraite de misère, sans indemnités chômage ou chômage partiel, sans sécurité sociale et autre RSA, dans le pays qui se veut être la première puissance économique au monde mais qui laisse une partie de sa population dans une pauvreté indécente, écrasée par la tyrannie du dollar. Fern est de ceux-là. Elle a tout perdu après la faillite d’Empire, dans le Nevada, une ancienne cité minière devenue une ville fantôme, dont même le code postal a été supprimé. Son mari est mort, elle a dû quitter l’emplacement que leur accordait l’entreprise et prendre la route avec quelques cartons, pour survivre, tout simplement. La caméra l’accompagne dans son errance, ici chez Amazon, là à nettoyer les douches d’un camping, ailleurs à retourner les steaks d’un fast-food, dans son van la nuit ou pendant ses repas composés de boites de conserves ou lorsque elle tire d’une boite à chaussures des photos de famille qu’elle regarde longuement. Le film n’est pas pour autant misérabiliste. On est frappé par la beauté des rencontres de Fern, par la bonne humeur de ces nomades, par l’acceptation de leur condition de vie catastrophique avec résignation et une certaine philosophie. Dans ces camps de nomades où on lui a conseillé d’aller Fern trouve tout un monde de solidarité, de gentillesse et de compréhension. Excepté Dave, tous ces compagnons, (dont Bob Wells le barbu et Linda May la rêveuse) jouent leur propre rôle dans le film. D’où des accents d’une grande authenticité. Fern, qui est de tous les plans, est une cabossée de la vie courageuse, résiliente, qui prend son destin en main. « Je ne suis pas une sans abri mais une sans maison » assure-t-elle. Souvent silencieuse, elle regarde les autres avec bienveillance mais il passe parfois dans son regard une grande mélancolie. Elle est libre, terriblement libre, digne dans sa volonté de s’assumer, rebelle refusant la possibilité d’une maison stable, d’une vraie chambre et d’un possible amour. Un film qui baigne dans la tendresse et l’humanité.

Chloé Zaho qui dit admirer Terence Malik nous offre, comme lui, de somptueux paysages en travelling, plans larges de l’Amérique à perte de vue, souvent dans la lumière naturelle du crépuscule au soleil couchant. Une magnifique photographie due au talent de Joshua James Richards (directeur de la photo de tous ses films), ponctuée par les notes de piano du compositeur italien Ludovico Einaudi.

Oserai-je avouer un certain ennui à la répétition de scènes d’errance, des jours qui se ressemblent, des couchers de soleil aux autres pareils ? Oserai-je avouer une certaine déception que la réalisatrice n’émette, sur un tel sujet, aucune critique de fond, comme si elle refusait d’en prendre la mesure.

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