Laila in Haïfa

Auteur : Amos Gitaï, né le 11 octobre 1950 à Haïfa est un cinéaste israélien. Fils d’un architecte du Bahaus, et d’une intellectuelle et enseignante, Amos Gitaï commence des études d’architecture au Technion de Haïfa, mais doit interrompre ses études pour participer à la guerre du Kippour (1973). Il y sera blessé, alors que l’hélicoptère dans lequel il se trouve est frappé par un missile syrien. Au cours de ses missions, il utilise une caméra Super 8 et à l’issue de la guerre, il s’engage dans une carrière de cinéaste et réalise son premier documentaire en 1980, House. En 1982, le tollé provoqué par son documentaire Journal de campagne, tourné pendant la Guerre du Liban, l’oblige à quitter son pays natal. Il s’installe alors à Paris, où il restera dix années de sa vie. De son exil forcé, il puisera son inspiration pour ses films Esther (1985), présenté à la Semaine de la critique du Festival de Cannes, et Berlin Jérusalem (1989). L’œuvre d’Amos Gitaï compte près de 90 titres, réalisés sur environ 40 ans. Il faut y ajouter installations vidéo, mise en scène de théâtre, livres. Ses films ont été présentés dans la plupart des grands festivals internationaux (Cannes, Venise, Berlin) et son travail a fait l’objet de plusieurs rétrospectives. Il a également reçu plusieurs prix prestigieux. C’est un cinéaste très engagé dont les œuvres sont, dans l’ensemble, très critiques à l’égard de la politique actuelle du gouvernement israélien. En 2018, Amos Gitai a été élu professeur à la chaire de création artistique du Collège de France, avec une série de 12 cours sur le cinéma (voir ma fiche Amos GitaÏ au Collège de France du 28 novembre 2018).  

Interprètes : Maria Zreik (Laila) ; Khawla Ibraheem (Khawla, la palestinienne) ; Tsahi Halevi (Gil, le photographe).

Résumé : Une nuit dans un Club à Haïfa où se côtoient juifs, palestiniens, hétéros, homos, et le portrait de cinq femmes dans ce milieu très branché.

Analyse : Le dernier long métrage d’Amos Guitai reprend les thèmes qui l’obsèdent depuis longtemps : le rapport entre israéliens et palestiniens et les problèmes qu’il engendre. Cette fois non sans une certaine originalité. Le film se déroule dans un seul lieu à Haïfa : le Club Fattoush, ouvert en réaction à la fermeture par la mairie du seul théâtre arabe de la ville. C’est un lieu ouvert, avec galerie d’art, boite de nuit, bistrot. En ce lieu branché où l’on parle plusieurs langues se rassemble chaque soir tout ce que Haïfa et sa région comptent de noctambules, hommes, femmes, homos, hétéros, juifs, arabes, palestiniens, israéliens. La propriétaire du lieu, Laila, inaugure une exposition de photographies sur le sort des Palestiniens. Le réalisateur promène sa caméra dans ce lieu étonnamment neutre, et s’attarde sur un moment de la vie de cinq femmes, leurs désirs, leur mal-être, leurs frustrations, leur vie secrète, avec comme point commun Gil, le photographe exposé. Il passe avec fluidité de l‘une à l’autre, une fluidité qui peut surprendre et décontenancer. On y aborde de nombreux sujets, les rapports de l’art et de la politique, la liberté individuelle, mais aussi la relation déplorable israélo-palestinienne, sans violence et avec un certain détachement. Une profusion de sujets qui pourraient donner l’impression de superficialité. Mais c’est un reproche injuste quand on connait le parcours et la pensée d’Amos Gitaï. Un film riche, une énième pierre à l’édifice du réalisateur pour tenter de réconcilier les deux communautés.

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