Irradiés

Auteur : Rithy Panh né en 1964 est un réalisateur, producteur, scénariste, monteur, acteur et écrivain franco- cambodgien. Il intègre l’IDHEC en 1980 et signe son premier documentaire, Site 2 (1989) sur les camps de réfugiés cambodgiens.  Il n’aura de cesse de montrer la tragédie de son pays à travers des documentaires comme La Terre des âmes errantes (1999), ou des longs métrages de fiction tels Les gens de la rizière(Compétition officielle au Festival de Cannes 1994), Un soir après la guerre (1998). En 2003 il réalise le documentaire S21, la machine Khmère rouge présenté à Cannes. Désormais abonné du Festival de Cannes, il y présente hors-compétition Les Artistes du théâtre brûlé (2005). Après avoir réalisé Un barrage contre le Pacifique (2009), avec Isabelle Huppert et Gaspard Ulliel. Il reprend le douloureux souvenir du génocide cambodgien avec Duch, le maître des forges de l’enfer (2011) et L’image manquante (2013), prix Un Certain Regard à Cannes. En 2018 Les Tombeaux sans noms, est un hommage aux disparus. Irradiés a obtenu l’Ours d’argent du meilleur documentaire à Berlin 2020.

Résumé : Le siècle passé, les nombreuses guerres ont laissé des traces indélébiles. Des lieux partagent un triste passé commun : ils ont subi, et subissent toujours les conséquences des atrocités auxquelles ils ont été exposés. Des années, voire des décennies après les faits, ces endroits, leurs habitants portent encore les stigmates d’inventions terriblement dévastatrices. Pour le bien de l’humanité, il est nécessaire de montrer et de comprendre toutes les formes de mal. 

Analyse : Rithy Panh a été interné à onze ans dans un camp de réhabilitation par le travail des khmers rouges. Il réussit à s’échapper quatre ans plus tard après avoir été poursuivi par les chiens et les soldats. Il s’installe en France en 1980. Toute sa filmographie est imprégnée de ce traumatisme et par la volonté de dénoncer les exactions et le génocide des khmers rouges. 

Ce nouveau film reste dans cette lignée. Cette fois-ci il mène une réflexion sur l’universalité de la puissance de destruction de l’homme sur ses semblables et sur sa capacité à montrer sa force par des crimes de masse. Documentaire particulièrement éprouvant, qu’on pourrait choisir de ne pas voir, mais qui est indispensable et nécessaire dans une période où la haine de l’autre devient un programme politique et où ceux qui y adhèrent font preuve d’une amnésie historique sidérante. Le réalisateur ne ménage pas le spectateur en montrant des images de charniers, de corps amputés, incendiés, suppliciés, de fantômes des camps de concentration au regard pénétrant inoubliable. Pas de tombes mais des entassements de corps décharnés poussés dans des fosses au bulldozer. Il égrène toutes les atrocités qui ont ensanglanté le XXème siècle, siècle particulièrement tragique. Des images d’archives sur les camps d’extermination nazis, le génocide cambodgien, Verdun, Phnom Penh, Hiroshima et Nagasaki, le Rwanda, inventaire insoutenable de la barbarie humaine. D’autres images sont tirées de grands films de l’histoire du cinéma, notamment Le fond de l’air est rouge de Chris Marker (1977), Hiroshima mon amour (1959), d’Alain Resnais, Chronique d’un été (1961), d’Edgar Morin et Jean Rouch, ou la série documentaire Jusqu’au dernier de Blanche Finger et William Karel.  Une récitation poétique dite par André Wilms et Rebecca Marder, adoucit la dureté visuelle. 

Aucune couleur ne vient égayer l’écran, sauf quelques tâches de rouge sur les danseurs et le champignon sanglant de la bombe atomique. Le réalisateur a pris le parti de diviser l’écran large en trois parties diffusant soit la même image, soit des images différentes. Procédé gênant dont le but est sans doute de brouiller sciemment l’attention du spectateur aux atrocités présentées. Le film se termine sur des extraits de Chronique d’un été ; Marceline Loridan (1926-2018) survivante, marche seule dans les rues de Paris, évoquant son dernier échange avec son père à Auschwitz-Birkenau, et demandant inlassablement aux passants parisiens : « Êtes-vous heureux ? ».

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