À l’ombre des filles

Auteur : Etienne Comar, né en 1965, est un producteur, réalisateur et scénariste français. Diplômé de La Femis en 1992 il débute comme chargé de production chez Erato Films. Il crée ensuite ses propres maisons de production, Playtime puis Vendôme Production. A partir de 2009 il crée Arches Films et travaille en tant que scénariste et producteur, notamment sur les films de Xavier Beauvois, Maïwenn ou Édouard Deluc. Il écrit, réalise et produit son premier long métrage Django (2017) sur le musicien Django Reinhardt, ainsi que son second, À l’ombre des filles (2022).

Interprètes : Alex Lutz (Luc) ; Agnès Jaoui (Catherine) ; Hafsia Herzi (Jess) ; Veerle Baetens (Carole) ; Marie Berto (Jeanine).

Résumé : Luc est un chanteur lyrique renommé. Il vient de perdre sa mère et sa voix. En pleine crise personnelle, il accepte d’animer un atelier de chant dans un centre de détention pour femmes. 

Analyse : Le film n’est pas sans rappeler Un triomphe d’Emmanuel Courcol (2021) dans lequel Kad Merad interprétait un comédien en galère qui anime un atelier de comédie dans une prison pour hommes. Toutefois le film d’Etienne Comar prend une direction différente même si on y retrouve les mêmes vertus de tolérance, d’amitié, de joie. Son propos n’est pas de nous parler de la prison. Celle-ci n’est qu’un décor, de ces prisons modernes aseptisées qui ressemblent davantage à un asile psychiatrique. De la prison on ne verra que les gardiennes, les formalités tatillonnes pour y pénétrer et le choix du format carré 1.33 utilisé par le cinéaste qui figure l’enfermement. Des détenues on ne saura rien, sinon qu’elles ont commis des actes graves. Comar s’intéresse bien davantage à la musique et à psychologie de ces filles et de Luc. Certaines sont là pour apprendre à chanter, d’autres pour sortir de la routine du quotidien, pour faire quelque chose. Elles portent toutes des blessures qui les rendent imprévisibles, agressives ou soumises. Luc est notamment confronté à Catherine (Agnès Jaoui) particulièrement hostile, qui dans une scène musclée l’agresse en le mettant en ace de ses vérités : il est là pour exorciser sa propre culpabilité vis-à-vis de sa mère dont il n’a pas su s’occuper et qu’il n’a pas accompagnée dans sa mort. En même temps que cette étude de la psychologie des personnages, la musique est l’autre pôle important du film, l’art comme moyen d’échapper à l’enfermement. Sous la bienveillante direction de Luc les détenues entonnent en chœur India Song, chantée par la voix rauque de Jeanne Moreau, le passage de Carmen L’amour est enfant de Bohème, le Cum Dederit de Vivaldi et Où sont les femmes. Elles finissent toutes par s’accepter, se faire confiance, se lancer dans une forme de libération et d’évasion de soi-même. C’est aussi la rédemption de Luc qui ose enfin affronter sa culpabilité. Malgré une mise en scène trop sage, il se dégage de ce film une magnifique énergie, portée par des actrices professionnelles et non-professionnelles. Un film sensible, sincère et émouvant.

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