La rivière

Auteur : Dominique Marchais est un réalisateur français. Après des études de philosophie, il collabore au magazine Les Inrockuptibles en tant que critique de cinéma. Il commence sa carrière dans le cinéma en 1998 en travaillant sur le montage de plusieurs films. Il signe son premier film en 2003, Lenz échappé, un court métrage consacré au poète Lenz (d’après une nouvelle de Georg Büchner), qui obtient en 2004 le prix spécial du jury au Festival du film de Vendôme. Son premier long métrage, Le temps des grâces (2010) est consacré à la façon dont le travail agricole modèle les paysages et les écosystèmes. En 2014 il réalise La ligne de partage des eaux sur l’aménagement du territoire. Son film Nul homme n’est une île a reçu le prix 2017 du festival Entrevues de Belfort. La Rivière a reçu le prix Jean-Vigo 2023.

Résumé : Entre Pyrénées et Atlantique coulent des rivières puissantes qu’on appelle les gaves. L’activité humaine bouleverse le cycle de l’eau et la biodiversité de la rivière. Des hommes et des femmes tendent leur regard curieux et amoureux vers ce monde fascinant fait de désastre et de beauté.

Analyse : Dominique Marchais est un philosophe, un amoureux de la nature qui met régulièrement en avant ceux qui, inventifs, essaient de la protéger de la destruction. Dans son dernier et magnifique documentaire Nul homme n’est une île (voir la fiche du 25 avril 2018), un titre tiré d’un poème du poète britannique John Donne écrit au XVIIème siècle qui se termine par ces vers admirables que je ne peux m’empêcher de rappeler : « La mort de tout homme me diminue, parce que j’appartiens au genre humain ; aussi n’envoie jamais demander pour qui sonne le glas : il sonne pour toi », le réalisateur va à la rencontre, de la Sicile à l’Autriche en passant par la Suisse, d’hommes et de femmes qui tentent de concilier une véritable pratique de la démocratie avec de nouvelles formes de production respectueuses des hommes et de l’environnement. Dans ce nouveau documentaire il s’intéresse aux dangers que font courir aux gaves du Béarn la puissance de certains lobbys, comme celui de l’hydro-électricité qui par la création de barrages empêche les saumons de remonter la rivière et l’assèche en aval, perturbe la faune et provoque une uniformisation des espèces, comme celui de la pêche intensive ou celui de l’agriculture du maïs qui pompe l’eau des rivières. Tout en nous montrant la beauté majestueuse de ces paysages, il dresse un constat terrible du sacrifice de ces écosystèmes pourtant essentiels à la survie de l’humain, en donnant la parole aux pêcheurs, aux scientifiques, aux militants écologistes. Un constat désespérant. On se pose inévitablement la question : est-ce irréversible ? Quand on voit un membre de la direction du parc national des Pyrénées dire, comme pour lui-même Si on m’avait dit qu’un jour je traverserais le gave en bottes…, quand on voit, plus haut, des hydrogéologues constater la fonte irrémédiable du glacier, quand on sait qu’en 2019 plus de la moitié des ruisseaux, fleuves et rivières étaient en mauvais état en France malgré l’objectif de la directive européenne sur l’eau d’atteindre 100% en bon état en l’an 2000, on peut légitimement être pessimiste. Cependant même si Dominique Marchais nous montre les désastres provoqués par l’activité humaine, il veut croire en un avenir meilleur et prend le parti de la beauté et de l’espoir. Il met l’accent sur un sursaut écologique qui est aussi un sursaut démocratique. Des chercheurs et des chercheuses, des étudiant.e.s., des militant.e.s d’associations écologistes, des naturalistes, des agriculteurs interviennent pour s’exprimer et montrer, à leur échelle, leurs actions pour sauver ces cours d’eau de l’assèchement et de la destruction des espèces. Des membres d’une association nettoient les berges de la rivière sur des kilomètres s’aidant au besoin de pinces à épiler pour la débarrasser des particules plastiques ; les truites reviennent parce qu’on a détruit en amont des retenues d’eau ; des agriculteurs cultivent une espèce de maïs beaucoup moins gourmande d’eau… Le mérite du film est de les faire se rencontrer car ils et elles agissent souvent de manière isolée. Tout ce monde des gardiens de la nature, dont beaucoup de jeunes, force le respect car il œuvre pour réparer une nature que nous laissons dans un état désespérant. Un film d’une beauté poignante qui nous montre l’urgence qu’il y a à la préserver.

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