SHTTL

Auteur : Ady Walter est un réalisateur et scénariste français. De 2016 à 2021, il écrit et réalise plusieurs documentaires pour les groupes France Télévisions et Canal + (Ciné+). Son premier documentaire produit par l’INA et TV5, Shalom Amigos, remporte un IFTA Award au British Film Institute en 2011. Il co-écrit MR X, réalisé par Tessa Louise-Salomé, pour Arte, en sélection en compétition officielle au Festival du film de Sundance et au Festival International du film de Rotterdam puis à la Semaine du film français de Berlin, 2021 ; il co-écrit avec Cédric Le Gallo en 2024 L’Homme du match. Il réalise les  deux documentaires Joseph Joffo : un français (2017) et Barnum (2020). Son premier long métrage SHTTL remporte le Prix du public au Festival International du Film de Rome et est sélectionné au BFI International London Film Festival. 

Interprètes : Moshe Lobel (Mendele) ; Saul Rubinek (père de Mendele) ; Antoine Millet (le futur Rabin).

Résumé : Eté 1941, veille de l’invasion de l’Ukraine soviétique par les nazis. Dans un shtetl un jeune homme revenu de la ville attise les querelles entre laïcs et religieux et remet en question un mariage prévu quelques jours plus tard. 

Analyse : Un premier long métrage impressionnant dans la forme et le fond. Ady Walter fait revivre un épisode historique mal connu : l’extermination par les nazis en 1941 d’un shtetl, c’est-à-dire d’un village juif, en Ukraine soviétique. A la veille de la récente invasion de l’Ukraine par les soviétiques il a reconstitué tout un village, de ces villages juifs d’Europe de l’Est qui ont tous pratiquement disparus. Reconstitution précise et saisissante. Les habitants y parlent le yiddish, langue et culture alors florissante que parlaient encore une grande majorité des juifs au début de la seconde guerre mondiale. Une langue assassinée, en grande partie disparue, mais qui semble renaître depuis quelques années. Nous sommes le 21 juin 1941. Le réalisateur filme les dernières 24 heures de ce village, lorsque Mendele, qui a fait des études de cinéma à Moscou pendant deux ans, revient au village à la fois pour régler des comptes avec son vieux père et se recueillir sur la tombe de sa mère qui s’est suicidée lorsqu’il était enfant, et pour revoir, et sans doute récupérer, la femme qu’il aime et qui est à la veille de devoir se marier avec un ancien boucher promu futur rabbin du village et qu’elle n’aime pas. L’arrivée de Mendele ravive de fortes oppositions dans le village, oppositions qui sont au cœur du film. Opposition entre Mendele et ses anciens amis qui sont restés au village, oppositions surtout entre modernisme et tradition, entre laïcs et religieux. L’ensemble des habitants sont les hassidim conservateurs qui vivent selon les principes rigoureux de la Torah, qui refusent le monde moderne, ne veulent pas travailler ni s’engager dans l’armée mais se consacrer uniquement à l’étude de leur religion, alors que Mendele est progressiste. Certes il est et veut rester juif mais dans les idées du socialisme et de la modernité. Les discussions et les tensions sont vives dans cette communauté déchirée qui manque de cohésion. Mais tout cela sera anéanti au petit matin par l’arrivée des allemands qui exterminent par les armes hommes, femmes, enfants, vieilles personnes, ce que l’on a appellé « la Shoah par balles », rayant de la carte un village qui ne renaîtra jamais. Un film qui fait un écho à la tragique actualité.

Le réalisateur dans une mise en scène précise et minutieuse utilise un superbe noir et blanc, utilisant, en inversant les codes, la couleur pour les quelques flash-back. Il monte surtout son film en un magnifique long plan-séquence qui nous donne le sens du temps qui reste à vivre de ce village. Il a supprimé le « e » du titre en hommage à Georges Perec (La Disparition) où l’auteur, dont la mère a été déportée à Auschwitz, s’était volontairement privé dans son texte de la lettre la plus utilisée de la langue ­française. 

Pour mémoire, la Waffen-SS a assassiné environ un million et demide juifs en Ukraine, éliminant pratiquement toutes les communautés villageoises juives.

1 Comments

  1. Chère Madame Bonjour,

    Je sais que vous êtes retraitée et que nous sommes ici sur un blog réservé au cinéma. Poster ce message ici n’est donc pas très approprié mais je n’ai pas trouvé d’autre moyen de vous contacter. Dans tous les cas j’aurais au moins trouvé un endroit ou dénicher de nouveaux films à regarder.

    Je suis tombé sur un article que vous avez écrit (https://www.u-picardie.fr/curapp-revues/root/19/campana.pdf), à propos du rôle de l’état dans le traitement des entreprises en difficultés. J’envisage d’en faire mon sujet de mémoire dans le cadre d’un double cursus administration publique / droit des entreprises en difficultés. La manière dont vous traitez le sujet me semble originale en ce sens que je n’ai vu nul part ailleurs parler de droit administratif des faillites, alors que cela est selon moi presque évident, notamment depuis les dispositifs mis en place pendant la covid-19. (le nouveau point Godwin). J’aimerai avoir l’occasion de creuser davantage le sujet et je pense que vos travaux pourraient m’aider.

    Je crois comprendre que l’article sur lequel je suis tombé fait parti d’un ouvrage beaucoup plus large (la numérotation des pages m’a mis la puce à l’oreille).

    Est-il envisageable de me communiquer le nom de cet ouvrage ? Aussi, je suis bien évidemment conseil de tout conseil que vous jugerez utile, même si ledit conseil s’avère être de ne pas venir déranger une professeur de droit à la retraite.

    Très respectueusement,

    Nahïm

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