La Belle de Gaza

Autrice : Yolande Zauberman, née en 1955, est une scénariste et réalisatrice française de films documentaires et de fiction. Elle aborde le cinéma en travaillant aux côtés de Amos Gitaï. Elle réalise en 1987 un premier documentaire sur l’apartheid en Afrique du Sud, Classified People (voir la fiche du 24 septembre 2023), qui remporte entre autres le grand prix du Festival de Paris et le Bronze Rosa au Festival de Bergame. Le second, Caste criminelle (1989), est tourné en Inde et est sélectionné au Festival de Cannes. Trois ans plus tard, elle signe son premier long métrage de fiction, Moi Ivan, toi Abraham, qui obtient le prix de la Jeunesse au Festival de Cannes en 1993, ainsi que le grand prix du Festival de Moscou. S’ensuivent deux films, Clubbed to Death (Lola) (1996) et La Guerre à Paris (2001). En 2004 elle retourne au documentaire avec Un juif à la mer. En 2012, elle poursuit la réalisation de l’œuvre Oh, Je vous veux ! film-installation à la croisée du cinéma et de l’art contemporain. En 2012, elle réalise un documentaire Would you have sex with an Arab ?, premier d’une trilogie. En 2018, son documentaire M (voir la fiche du 2 avril 2019) a reçu le Prix spécial du jury au Festival de Locarno et le Bayard d’or du meilleur film au Festival international du film francophone de Namur. La Belle de Gaza a été projeté en séance spéciale au festival de Cannes cette année.

Résumé : « Elles étaient une vision fugace dans la nuit. On m’a dit que l’une d’entre elles était venue à pied de Gaza à Tel-Aviv. Dans ma tête je l’ai appelée La Belle de Gaza »

Analyse : Cette phrase de Yolande Zauberman est à l’origine de son film qui, sous prétexte de rechercher cette Belle, filme le monde des transgenres qui, dans la rue Hatnufa de Tel Aviv, se livrent à la prostitution. Elle achève ainsi sa trilogie de la nuit. Elles sont palestiniennes et ont eu un courage admirable, osant assumer ce qu’elles sont, dans un monde tellement hostile à tout ce qui sort de la « norme ». Elles ont franchi la frontière pour fuir une famille décidée à les tuer car elles incarnent le déshonneur. D’ailleurs dans le film l’une d’elle raconte l’histoire de ce jeune palestinien qui se voulait femme, kidnappé et décapité par les membres de sa famille. Des récits glaçants. Mais ces femmes sont gaies, bien dans leur peau, d’une beauté époustouflante, avec des corps de déesse, perchés sur des talons vertigineux. Elles racontent, souvent avec humour, les péripéties de leur aventure, telle cette femme plus âgée qui raconte avoir été longtemps la femme d’un rabbin qui la pensait née femme ; elle lui a dit la réalité le jour où elle a voulu se débarrasser de lui. Comme souvent, la réalisatrice s’intéresse avec générosité et humanisme à ces êtres singuliers que la société rejette parce qu’impurs, qu’ils aient été violés comme dans le cas de M, ou qu’ils sortent des normes sociales par leurs tendances sexuelles. A force d’interroger les femmes de cette rue, Yolande Zauberman pense avoir trouvé celle qui est venue à pied de Gaza quand elle était homme. Une inconnue dit que c’est elle, sur un ton qui sème le doute ; elle sera voilée tout au long du film et on apprend qu’elle a rejoint la religion et va quitter la prostitution. 

Les premières images font parler Talleen Abu Hanna, élue première Miss Trans Israël en 2016, aujourd’hui mannequin, actrice et personnalité télévisuelle. Elle est souveraine, charismatique, respire le bonheur d’être la femme qu’elle a toujours rêvé d’être. La caméra est toujours au plus près des visages, de Nathalie, Danielle, Israela, Nadine, suivant avec amour les mouvements de leurs corps, de leurs déplacements dans cette rue où leur force physique les aident à se débarrasser de leurs agresseurs. Elles se soutiennent, sont des sœurs de cœur qui savent ce qu’arriver à être ce qu’elles sont veut dire. Elles abolissent toutes les frontières, du masculin et du féminin, des arabes, des musulmans et des juifs, d’Israël et de la Palestine. Elles nous sont proches car la réalisatrice nous donne, le temps d’un film, le privilège d’être au plus près de leur intimité. Ce film a été tourné avant le 7 octobre. Que sont-elles devenues ?

Un documentaire sensible, lumineux, bouleversant d’humanité 

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