FESTIVAL DE CANNES 15 mai

Je voudrais vous présenter deux films.  Le premier, Les Misérables de Ladj Ly. C’est le cinéaste qu’on n’attendait pas. La grande surprise. Il a 39 ans, est acteur, scénariste français, autodidacte. Fils d’un éboueur malien il a grandi dans la banlieue, sans formation particulière. C’est là qu’il est devenu réalisateur en filmant les révoltes urbaines nées dans sa ville après la mort tragique de deux adolescents dans un transformateur électrique, on s’en souvient. Il est l’un des quatre membres fondateurs du collectif Kourtrajmé (court métrage en verlan) et a fondé une école gratuite de cinéma qu’il essaye d’exporter en Afrique, avec des subventions quasi inexistantes. Ce film est comme le précédent du réalisateur, 365 jours à Clichy Montfermeil en 2007, un brûlot qui nous décrit la violence inouïe des banlieues qu’il a sans doute vécue, des forces de l’ordre sur la défensive, dépassées par les évènements, et utilisant des méthodes plus que contestables. Il est parti d’un fait divers, une bavure policière qui a enflammé la banlieue. Avec intelligence et lucidité il renvoie dos à dos policiers, caïds, Frères musulmans, non sans une certaine tendresse. Il filme essentiellement les « microbes » (les gosses des quartiers) qui sont de petites bombes à retardement. Ladj Ly a un sens certain de la mise en scène, du cadrage et des images au service d’une cause. Son film avec de superbes derniers plans se termine sur une citation des Misérables de Victor Hugo : Mes amis, retenez ceci, il n’y a ni mauvaises herbes ni mauvais hommes. Il n’y a que de mauvais cultivateurs. Ladj Ly s’efforce d’être ce bon cultivateur. Un réalisateur à suivre. Un magnifique film qui mériterait largement une récompense. 

Le second film est du Brésilien de 51 ans, Kleber Mendoza Filho, Bacurau. Il l’a co-réalisé avec Juliano Dornelles qui a été directeur artistique et décorateur sur tous ses films. Mendoza Filho est l’auteur de plusieurs courts métrages et de trois longs métrages, Les bruits de Recife 2012) et Aquarius (2016), tous deux vus à Cannes. Bacurau, est le nom d’un petit village de la région du sertào, au Nordest du Brésil. L’action se passe dans un futur proche. Au début du film le village enterre une matriarche nonagénaire. Quelques jours plus tard les habitants qui n’ont déjà plus d’eau potable, s’aperçoivent que leur village a été rayé de la carte. Des meurtres se produisent et on découvre qu’ils sont le fait d’un groupuscule enragé, commandé par un ancien nazi. On saura qu’ils sont à la solde d’un politicien véreux. Le film prend toute sa force quand on le met en perspective avec le Brésil actuel. Mendoza Filho force le trait, l’ancien nazi, les politiciens corrompus, les meurtres en série, l’oppression des pauvres. On y retrouve le thème des Misérables : ici c’est la révolte des pauvres contre les puissants. Un film étrange mais qui donne à réfléchir. 

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