FESTIVAL DE CANNES 16 mai

Mati Diop est une jeune comédienne et réalisatrice franco-sénégalaise de 37 ans. En tant que cinéaste elle a surtout réalisé des courts métrages. Atlantique est son premier long métrage. Dans une banlieue populaire de Dakar, les ouvriers du chantier d’une tour futuriste, sans salaire depuis des mois, décident de quitter le pays en prenant la mer pour un avenir meilleur. Parmi eux se trouve Souleiman, l’amoureux d’Ada. On apprendra que Souleiman a péri en mer. C’est d’une désespérante actualité. Ada quant à elle doit épouser un autre homme qu’elle n’aime pas, par convenance familiale. Quelques jours après le départ de Souleiman, un incendie dévaste le lit nuptial à la fête de mariage de la jeune femme et de mystérieuses fièvres s’emparent des filles du quartier. Que se passe-t-il au juste ? Après un départ très réaliste, Atlantique verse dans l’onirisme et le fantastique. On sent bien l’ambiance de l’Afrique : les djinns, le marabout, l’Iman. Là encore les morts reviennent pour se venger. Serait-ce le cas de Souleiman ? Mati Diop qui n’a pas vécu son enfance en Afrique restitue bien l’ambiance qui y règne où la réalité se mêle intimement à la superstition, aux croyances dans le magique et en un monde irrationnel. Sa mise en scène est bien maîtrisée, son travail est bien mené, très esthétique. La mer, aux vagues effrayantes ou au calme parfait est un des personnages du film. Mais on aurait aimé un film moins souligné, avec plus de fantaisie, moins de sagesse. Il y manque la pointe de folie qu’aurait mérité un thème comme celui-ci.

Ken Loach revient sur la Croisette avec Sorry, We Missed You. C’est le message imprimé sur les feuilles que laissent les livreurs qui n’ont pas trouvé leur destinataire. C’est du Ken Loach pur jus. Il a dit, à la présentation officielle, de manière pathétique et qu’on n’espère pas prémonitoire, c’est peut-être le dernier. Il nous décrit une fois de plus une réalité désespérante, l’engrenage de la misère où le moindre grain de sable fait basculer des vies. Ricky, sa femme et ses deux enfants vivent à Newcastle. Lui a déjà fait tous les métiers et passe un entretien d’embauche pour devenir livreur. Les propos du chef qui l’embauche sont lénifiants. Ici vous n’êtes pas salariés. Vous travaillez avec nous, vous êtes votre propre patron. Sauf qu’il doit acheter son camion ou le louer très cher à la compagnie et est soumis à des cadences infernales, un peu comme nos autoentrepreneurs. Il subit des pénalités pour des jours d’absence, même justifiés par des raisons de santé ou de graves problèmes familiaux, s’il ne trouve pas un remplaçant. Il a vendu la voiture de sa femme qui est aide à domicile pour acheter son camion. Il est à bout ; la famille en subit les conséquences : le fils ainé se révolte, sèche l’école et commet un petit vol. La cadette de treize ans se remet à faire pipi au lit. Pour couronner le tout Ricky se fait agresser, voler sa marchandise et détruire son appareil pour bipper qu’il doit rembourser 1000 livres. Dans la dernière scène, malgré l’opposition violente de sa famille, il part en sang pour travailler.  Un horizon désespérant, sans aucun espoir, que nous rappelle, inlassablement, ce magnifique combattant caméra au poing.  

Comme chaque jour vous pouvez suivre mes commentaires en direct de Cannes sur Fréquence protestante (FM 100.7 à Paris), à midi après le flash d’information.

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