Papicha

Auteur : Mounia Meddour est née en 1978. Elle est la fille du réalisateur algérien Azzedine Meddour. Sa famille arrive en France en 1997. Elle fait des études de journalisme et se forme au cinéma et à l’audiovisuel. Elle réalise plusieurs documentaires, tels Particules élémentaires (2007), La cuisine en héritage (2009), Cinéma algérien, un nouveau souffle (2011), et son premier court métrage de fiction Edwige (2011). Papicha est son premier long métrage retenu à Cannes en 2019 dans la sélection Un certain regard. Son film a reçu trois prix au festival du film francophone d’Angoulême (Prix du public, du scénario et de la meilleure actrice). 

Résumé : Alger, années 90, pendant la décennie noire de la guerre civile algérienne. Nedjma, 18 ans, étudiante à la cité universitaire, rêve de devenir styliste. A la nuit tombée, elle se faufile à travers les mailles du grillage de la Cité avec ses meilleures amies pour rejoindre la boîte de nuit où elle vend ses créations aux  » papichas « , jolies jeunes filles algéroises. Elle refuse de plier devant les islamistes intégristes ; elle décide de se battre pour sa liberté en organisant un défilé de mode, bravant ainsi tous les interdits.

Analyse : Ce film est un véritable coup de poing. Un hymne énergique à la liberté, au courage, à la résistance. Un film indispensable qui ne nous parle pas du passé mais qui veut apprendre aux jeunes d’aujourd’hui d’Algérie et d’ailleurs, qu’on peut et doit lutter pour la liberté, pour la dignité des femmes, malmenées, humiliées, asservies par ces fous de Dieu qui imposent leur vision de la société et de la femme en particulier, avec la force des armes et de la haine. Il est symptomatique que ce film ait été privé jusqu’à ce jour, de diffusion dans l’Algérie actuelle en crise. Dans une mise en scène vigoureuse, au plus près du visage et des corps de Nedma et de ses amies pour traduire leur enfermement, l’atmosphère oppressante que font peser sur la société les terroristes extrémistes, ce film nous montre une jeunesse pleine d’espoir dans un contexte qui en laisse si peu. Elles sont jeunes, ardentes, belles, libres, sensuelles, coquettes. Elles ont la fureur de vivre et la vitalité des jeunes filles qui, à leur âge, dans beaucoup de pays, s’amusent, dansent, découvrent le monde et l’amour. Et dans un pays qui le permet si peu elles trouvent le moyen de vivre leurs rêves, malgré la mort qui rode. Elles ont souvent la peur au ventre mais elles bravent avec panache les interdits et les menaces de mort « Couvre toi avant qu’un linceul ne le fasse ! ». L’habileté de Mounia Meddour est d’avoir fait d’un sujet sombre un film lumineux qui ne manque pas d’humour avec des dialogues d’une grande liberté. Ces filles sont joyeuses, chaleureuses, solidaires, pleines de tendresses et d’amour. Avec une ironie dévastatrice Papicha prend le haïk, habit traditionnel des musulmanes algériennes, grande pièce de tissu beige qu’elle détourne pour y tailler ses robes d’inspiration occidentale. Meddour rend un bel hommage à l’insoumission et à la vertu ordinaire de ces femmes : le courage ! Des femmes qui ont réellement existé pendant la décennie noire de la guerre civile algérienne. C’est ce qu’a vécu la réalisatrice qui avait 19 ans, avant que sa famille, son père cinéaste étant menacé de mort, ne s’exile en France.

Les sons du film sont très importants, ceux des bombes à l’extérieur, des rires et des bavardages des filles à l’intérieur. Mais surtout la réalisatrice utilise avec talent le silence, notamment lors d’un gros plan sur Nedjma pendant plusieurs secondes, muette d’une douleur indicible.

Un film bouleversant, puissant, porté par des actrices exceptionnelles, en particulier par la belle Lyna Khoudri dans le rôle de Papicha, qui donnent au film du relief et une grande crédibilité. À voir absolument.

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