Madres paralelas

Auteur : Pedro Almodóvar, né en 1949 en Espagne, est issu d’une famille relativement pauvre de muletiers d’une région ravagée par la Guerre d’Espagne. Il grandit entouré de femmes, ce qui ne sera pas sans conséquence sur son cinéma. A 17 ans, il part pour Madrid, seul, sans argent et sans travail, avant d’entamer un tour d’Europe qui le mène à Londres et Paris. Il souhaite ainsi apprendre le cinéma, mais, sur ordre de Franco, l’École Officielle du Cinéma vient de fermer ses portes. Après plusieurs petits boulots, il décroche un emploi de bureau à la Compagnie nationale de téléphone espagnole où il reste douze ans. Parallèlement, il écrit des scénarii, tourne, à partir de 1974 des courts-métrages (16 au total), fait la connaissance de Carmen Maura ce qui l’entraîne à faire du théâtre, et il fonde un groupe punk-rock parodique « Almodovar y McNamara ». À partir de 1978 il réalise 24 longs métrages dont on ne citera que quelques-uns des plus connus comme Femmes au bord de la crise de nerf (1988), Talons aiguilles (1991), Tout sur ma mère (1999), Parle avec elle (2002), Volver (2006), Julieta (2016), Douleur et Gloire (2019). Il a reçu de nombreux prix dans les festivals internationaux. Artiste engagé politiquement il a renouvelé l’image de la femme au cinéma et participé à son émancipation. C’est l’un des cinéastes les plus appréciés de la nouvelle vague espagnole. Penelope Cruz a obtenu le prix d’interprétation féminine à la Mostra de Venise en septembre 2021 pour son rôle dans Madres paralelas.

Interprètes : Penélope Cruz (Janis) – Milena Smit (Ana) – Israel Elejade (Arturo) – Altana Sanchez-Gijon (Teresa) – Rossy de Palma (Elena)

Résumé : Deux femmes, Janis, photographe de profession et Ana, se rencontrent dans une chambre d’hôpital sur le point d’accoucher. Elles sont toutes les deux célibataires et sont tombées enceintes par accident. Janis, d’âge mûr, n’a aucun regret et souhaite son enfant alors qu’Ana est une adolescente qui voit sa vie bouleversée par cette grossesse. Les quelques mots qu’elles échangent pendant ces heures vont créer un lien très étroit entre elles, que le hasard se chargera de compliquer d’une manière qui changera leur vie à toutes les deux.

Analyse : Almodovar nous parle une fois de plus des femmes, avec l’amour qui l’habite pour celles qui sont des mères, des combattantes, des amoureuses, des militantes, celles pour lesquelles la vie n’est pas tendre, mais qui trouvent toujours la porte de sortie. Il y ajoute cette fois-ci une dimension historique sur la mémoire nécessaire des années sombres du franquisme. On retrouve sa sensibilité à la couleur, à la lumière, au décor, des plans qui sont de véritables tableaux, avec cette fois-ci une pointe de sobriété. Dans ce magnifique mélodrame flamboyant, le cinéaste s’attarde sur les liens du sang, sur les rapports mères-enfants, sur la transmission et sur le secret, celui des familles, celui de l’Histoire. Une Histoire qui s’invite dès le début du film. Janis rencontre Arthuro, le père de son enfant, au cours d’une séance de photographies ; il est anthropologue judiciaire et elle lui demande d’excaver le charnier dans lequel sont enterrés des membres de sa famille et des habitants du village. Une Histoire qui clôt le film dans des scènes extrêmement émouvantes, lorsque les squelettes sont mis à jour devant la population du village avec un dernier plan fictif qui montre tous les fusillés dans la fosse qu’ils ont eux-mêmes creusée. Le gouvernement actuel, au nom de la réconciliation, ne favorise pas la recherche de la dépouille des suppliciés, ce que critique Almodovar. C’est pourtant le vœu des familles pour qu’enfin les morts aient une sépulture décente et que les vivants vivent en paix.

Comme dans la plupart de ses films, les femmes jouent le premier rôle dans des familles éclatées. Les hommes sont absents, excepté Arthuro que l’on voit par intermittence. Elles sont terriblement humaines, capables de mensonges, de trahison, de violence, mais aussi d’amour, de bienveillance et de pardon. Le réalisateur se permet même un clin d’œil appuyé au féminisme : face à la caméra Janis porte le célèbre t-shirt We should all be feminists.

Un magnifique film où l’on retrouve totalement le réalisateur avec sa propre sensibilité, la précision de sa direction d’acteurs, ses cadrages, ses montages virtuoses, sa mise en scène talentueuse. Certaines scènes resteront en mémoire, celle des accouchements parallèles d’Ana et de Janis, l’ellipse dans le temps à travers une porte, celles de la découverte des squelettes des disparus du franquisme. Certaines critiques regrettent un certain assagissement du cinéaste, regret que je ne partage pas. Faudrait-il condamner les réalisateurs à reproduire toujours les mêmes films ?

Je ne saurais terminer cette fiche sans parler des magnifiques actrices qui portent ce film, Penelope Cruz au sommet de son art, sublime, les nouvelles venues chez Almodovar, Milena Smit et Altana Sanchez-Giron, sans parler de l’incontournable Rossy de Palma.

Laisser un commentaire